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Titre original : A Streetcar Named Desire Sortie US : 1951 (18 septembre) Durée : 125 min (2 h 05) Langue : Anglais et Espagnol Warner Bros. Pictures Noir et blanc
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Le CastingVivien Leigh ... Blanche DuBois Marlon Brando ... Stanley Kowalski Kim Hunter ... Stella Kowalski Karl Malden ... Harold 'Mitch' Mitchell Rudy Bond ... Steve Nick Dennis ... Pablo Gonzales Peg Hillias ... Eunice Wright King ... Un collecteur Richard Garrick ... Un docteur Ann Dere ... La matrone Edna Thomas ... La femme Mexicaine Mickey Kuhn ... Un marin |
Equipe du filmD'après le roman éponyme de Tennessee Williams Réalisateur : Elia Kazan Scénaristes : Tennessee Williams (Adapté par Oscar Saul) Producteurs : Charles K. Feldman Musique : Alex North Image : Harry Stradling Sr. Montage : David Weisbart Direction Artistique : Richard Day Décors : George James Hopkins Maquillage : Gordon Bau Son : C.A. Riggs |
Après la perte de la propriété familiale, toujours sous le choc provoqué par la mort déjà ancienne de son mari, Blanche Dubois, institutrice rêveuse destituée de ses fonctions suite à une aventure avec l'un de ses élèves, vient trouver refuge chez sa jeune sœur Stella qu'elle n'a pas vue depuis des années. Blanche emprunte un tramway nommé "Désir" et finit par atteindre l'appartement minable et peu confortable que sa sœur habite dans le quartier français de la Nouvelle Orléans. Celle-ci est mariée à Stanley Kowalski, un ouvrier américain d'ascendance polonaise, sensuel, viril, attiré par les plaisirs simples du jeu et des femmes. Dès les premiers instants, Stanley n'apprécie guère les manières distinguées de la délicate Blanche, ses scrupules moraux surannés et met en doute sa sincérité quant à l'affaire de la plantation.
Au contact de Stanley, qui unit dans un même homme tout ce que son esprit hait et tout ce que son corps désire, Blanche voit sa façade peu à peu s'effriter. Derrière sa diaphane délicatesse, apparaît une femme ruinée, prématurément vieillie, traquée, tourmentée par une sexualité hurlante, hantée par d'innommables drames passés.
Blanche s'éprend finalement d'un collègue d'usine de Stanley, un camarade de poker, Mitch, qu'elle a attiré et qui lui propose le mariage. Il est suffisamment simple d'esprit pour ne pas paraître dangereux.
Pendant ce temps, Stanley découvre que Blanche a été mariée et que son mari étant mort jeune, elle a alors mené une vie de débauche. Blanche est en fait une nymphomane fascinée par les très jeunes gens. Stanley révèle cette vérité à Mitch qui rompt avec Blanche. Celle-ci se tourne alors vers Stanley qui en profite et Blanche sombre dans la folie complète... Stella quitte alors son mari...
Quatre Oscars en 1952 :
- Oscar de la meilleure actrice pour Vivien Leigh
- Oscar du meilleur second rôle masculin pour Karl Malden
- Oscar du meilleur second rôle féminin pour Kim Hunter
- Oscar de la meilleure direction artistique et des meilleurs décors pour Richard Day et George James Hopkins
Huit autres nominations aux Oscars en 1952 :
- Nomination du meilleur acteur pour Marlon Brando
- Nomination de la meilleure photographie noir et blanc pour Harry Stradling Sr.
- Nomination pour les meilleurs costumes pour Lucinda Ballard
- Nomination du meilleur réalisateur pour Elia Kazan
- Nomination de la meilleure musique pour Alex North
- Nomination du meilleur film pour Charles K. Feldman
- Nomination du meilleur son pour Nathan Levinson
- Nomination de meilleur scénario pour Tennessee Williams
- Golden Globes du meilleur second rôle féminin pour Kim Hunter en 1952
- Nomination aux Golden Globes du meilleur film et de la meilleure actrice pour Vivien Leigh
- Prix du New York Film Critics Circle de la meilleure actrice pour Vivien Leigh
- Prix du New York Film Critics Circle du meilleur réalisateur pour Elia Kazan
- Prix du New York Film Critics Circle du meilleur film
- Prix BAFTA de la meilleure actrice anglaise pour Vivien Leigh
- Nomination au prix BAFTA du meilleur film
- Diplôme du Mérite pour Marlon Brando de la part des Jussi Awards
- Prix spécial du jury du Venice Film Festival pour Elia Kazan
- Coupe Volpi du Venice Film Festival pour Vivien Leigh
- Nomination au Golden Lion du Venice Film Festival pour Elia Kazan
- Nomination au prix des Writers Guild of America du meilleur drame américain
- "A Streetcar named Desire" est l'adaptation sur grand écran de la pièce écrite par le dramaturge Tennessee Williams. Enorme succès populaire de l'année 1947 sur les planches de Broadway, elle révèle le comédien Marlon Brando qui reprend, à l'instar de la majeure partie de la troupe, son rôle sur grand écran cinq ans plus tard. Tennessee Williams, qui a activement travaillé au scénario du film, retravaillera avec Elia Kazan en 1956, officiant en tant que scénariste sur "Baby Doll" (La Poupée de chair, 1956).
- Le film fut tourné en 36 jours.
- La comédienne Jessica Tandy, qui incarnait le personnage de Blanche Dubois dans la pièce de Tennessee Williams, est la seule de la troupe à ne pas jouer dans l'adaptation cinématographique. Elle y est remplacée par Vivien Leigh (après le refus de Olivia de Havilland, qui exigeait un salaire plus important que celui qui lui était offert), plus apte selon le studio à plaire au public. La comédienne, qui souffrait de troubles de la personnalité, allait plus tard rencontrer de grandes difficultés pour distinguer sa vie de celle de Blanche Dubois.
- John Garfield a refusé le rôle de Stanley Kowalski parce qu'il ne pas voulait pas être éclipsé par la vedette féminine.
- Mickey Kuhn, qui a joué le neveu de Vivien Leigh, Beau Wilkes, dans "Gone with the wind" (Autant en emporte le vent, 1939) a également joué le jeune marin qui l'aide a trouvé le tramway nommé Désir.
- Vivien Leigh avait déjà joué Blanche dans la première production de la pièce à Londres, sous la direction de son mari, Laurence Olivier. Elle a dit plus tard que la direction de Laurence Olivier pour cette production a influencé sa performance dans le film, davantage que la direction d'Elia Kazan.
- "A Streetcar named Desire" marque la première collaboration d'Elia Kazan avec l'acteur Marlon Brando, révélé par ce long-métrage. Les deux hommes se retrouveront en 1952 pour "Viva Zapata !" puis en 1954 pour "On the Waterfront" (Sur les quais).
- Même si Marlon Brando incarne à merveille Stanley Kowalski, il déteste ce personnage.
- Marlon Brando et Vivien Leigh se sont rapidement bien entendus, ils devinrent amis et le tournage se passa parfaitement bien.
- William Wyler avait exprimé son intérêt pour adapter la pièce avec Bette Davis dans le rôle de Blanche.
- La réplique "Stella! Hey, Stella!" a été élue quarante-cinquième meilleure réplique du cinéma par l'American Film Institute
- A l'époque du film, la Nouvelle-Orléans n'avait plus de tramways mais des autobus. Toutefois, les voies existaient toujours et ainsi les autorités ont pu prêter à la production le tramway original appelé désir pour l'arrivée de Blanche en ville.
- A mesure que le film progresse, l'ensemble de l'appartement de Kowalski devient réellement plus petit pour intensifier la suggestion de la claustrophobie croissante de Blanche.
- En raison des thèmes fortement controversables, aucun studio n'osait produire le film. Darryl F. Zanuck, responsable à la 20th Century Fox, a exprimé un intérêt mais a dû abandonner l'idée quand son patron a exprimé son refus.
- Romancier, homme de théâtre, cinéaste prolixe, capable d'aborder toutes les thématiques sociales, intimes, politiques, psychologiques, Elia Kazan n'a cessé de peindre l'Amérique et ses démons durant une vie qui épouse le siècle puisqu'il est né en 1909 à Istanbul d'une famille grec et meurt en 2003 à l'âge de 94 ans. Il a quatre ans quand ses parents s'installent à New York. Il étudie le théâtre à l'université puis rejoint les groupes d'avant-garde théâtrale. En 1934, il s'inscrit au Parti Communiste, va à Hollywood, revient à New York pendant la guerre et devient le metteur en scène de théâtre le plus réputé de Broadway. En 1945, il signe ses premiers films pour la Fox, son style est déjà là, vigoureux, réaliste, énergique. En 1952, c'est l'année noire, celle où Kazan témoigne devant la comission des activités anti-américaines et livre le nom de ses anciens camarades mais il faut croire que la culpabilité est pour lui un moteur majeur car après cette date, il enchaîne ses grandes œuvres populaires, de "Viva Zapata" (1952) au "The Last Tycoon" (Le Dernier Nabab, 1976) en passant par "East of Eden" (A l'est d'Eden) ou America, America (1963).
Stella : I never listen to you when you're being morbid.
Blanche DuBois : Is there something wrong with me?
Blanche DuBois : Please don't get up.
Stanley Kowalski : Nobody's going to get up, so don't get worried.
Blanche DuBois : Deliberate cruelty is unforgivable, and the one thing of which I have never,ever been guilty of.
Blanche DuBois : Oh look, we have created enchantment.
Blanche DuBois : I can't stand a naked light bulb, any more than I can a rude remark or a vulgar action.
Mitch : I guess we must strike you as being a pretty rough bunch.
Blanche DuBois : I'm very adaptable to circumstances.
Stanley Kowalski : I never met a dame yet that didn't know if she was good-looking or not without being told, and there's some of them that give themselves credit for more than they've got.
Blanche DuBois : Whœver you are, I have always depended on the kindness of strangers.
Blanche DuBois : I know I fib a good deal. After all, a woman's charm is 50% illusion.
Blanche DuBois : I don't want realism. I want magic! Yes, yes, magic. I try to give that to people. I do misrepresent things. I don't tell truths. I tell what ought to be truth.
Mitch : Poker should not be played in a house with women.
Stanley Kowalski : She is as famous in Oriel as if she was the President of the United States, only she is not respected by any party.
Mitch : Oh I don't mind you being older than what I thought. But all the rest of it. That pitch about your ideals being so old-fashioned and all the malarkey that you've been dishin' out all summer. Oh, I knew you weren't sixteen anymore. But I was fool enough to believe you was straight."
Blanche DuBois : Straight? What's 'straight'? A line can be straight, or a street. But the heart of a human being?
Blanche DuBois : Marry me, Mitch.
Mitch : No, I don't think I want to marry you anymore... No, you're not clean enough to bring into the house with my mother.
Stanley Kowalski : You think I'm gonna interfere with you?... You know, maybe you wouldn't be bad to interfere with.
Stanley Kowalski : You know what luck is? Luck is believing you're lucky, that's all... To hold a front position in this rat-race, you've got to believe you are lucky
Stanley Kowalski : Tiger, tiger. Drop that bottle top. Drop it.
"A Streetcar named Desire" est le premier grand film d'Elia Kazan, le seul qui ait d'abord mis en scène au théâtre en 1947 avant de le tourner en 1950. C'est sans doute pourquoi le film reste 'imprégné' par le théâtre, comme s'il y avait là une dimension dont il ne pouvait se débarasser... La preuve en est du peu de décors présents et d'une mise en scène focalisée essentiellement sur les personnages.
Dans la filmographie collosale de Kazan, "A Streetcar named Desire" ne fait sans doute pas figure de chef d'œuvre mais d'œuvre originel. Le film n'en est que plus passionnant. A force d'ambivalence, le film cherche son sujet, rôde autour de ses idées maîtresses à savoir le manque d'amour, la fragilité des êtres, la peur de vieillir, la hantise de la mort, la destruction de l'individu, la quête de la pureté, la domination voire le mépris et il ne se décide jamais vraiment à choisir sa ligne de conduite...
C'est un film qui tourne autour de lui-même : il erre, il hésite et c'est bien sûr l'univers de Tenessee Williams qui est ainsi torturé. Même les extérieurs de la Nouvelle-Orléans semblent faux. La musique est emphatique. Le noir et blanc ajoute à la dramatisation. Et c'est sans parler des gesticulations de Vivien Leigh qui recevra un Oscar pour son interprétation et qui a mesure de la progression narrative est sensée aller dans la folie. Un vrai marécage au fond que cette descente aux enfers qui débute déjà dans les enfers de la Nouvelle Orléans et dans ce quartier nommé cimetière.
De fil en aiguille, on est en droit de se demander ce qu'est ce film, à la fois pathétique, ridicule, émouvant. Est-ce un mélo, un drame psychologique, un portrait en creux de Brando en comédien sex-symbol de 26 ans ; certes ce dernier étreigne son fameux T-shirt troué et ruisselant de sueur et son physique permet de broder à l'envie sur le thème du désir animal donc mauvais sauf que Stanley Kowalski n'est pas un si méchant garçon. Au fond, tout le film repose sur l'ambiguité sexuelle, non pas tant du désir refoulé que du brouillage entre le féminin et le masculin. Derrière la féminité qui se présente comme une mascarade et la masculinité, il y a là un inconscient bisexuel qui travaille tout le film, c'est cela le vrai marécage.
Kowalski n'aime pas Blanche, certes, mais pour de mauvaises raisons, il a peur d'être aimé par elle, il a peur d'être démasqué. Il la voit comme une coquette plus riche que lui, il est persuadé qu'elle ne pense qu'à l'humilier si bien qu'il la soumet par la force. Exaspéré par tant de féminité, il n'entend pas perdre le nord donc il place leur conversations sur le seul terrain avouable : le terrain social. Il s'accroche au code Napoléon, comme si c'était son sésame. A la vérité, ce qui le dérange tant chez Blanche n'a rien à voir avec l'ordre social. Ce qui le dégoute et l'excite en même temps, c'est sa fragilité.
Kowalski n'est ni stupide, ni cruel mais si fragile lui-même qu'il est incapable d'assumer sa féminité, du moins quand il est seul face à Blanche parce qu'il peut l'assumer face à sa femme, Stella, qui au fond est l'homme du couple. C'est tout le sens de la fameuse scène où il appelle sa Stella depuis le bas des escaliers. On dirait qu'elle a attendu ce moment-là durant des jours, si bien que la scène est saississante, elle fonctionne comme un ralenti. Stella n'en finit pas de descendre, filmée en contre plongée, et littéralement elle joue un rôle comme si elle était en représentation, répétant inlassablement la même scène qu'ils se sont déjà joués, comme si elle répétait sa grande scène, toujours la même, celle qui se reproduit chaque fois que Kowalski se repent, celle qui à force de se répéter touche au sublime, va vers l'idée romantique, les larmes et l'amour mêlé. C'est aussi une parfaite métaphore sexuelle : Stella vient à son homme comme on vient dans l'orgasme, Kowalski l'emporte dans ses bras pour lui faire l'amour mais à l'écran, ils l'ont déjà faits.
Cette idée de personnages en perpétuelle représentation se répète inlassablement tout au long du film, chacun dans son registre comme si chacun mettait en scène son désir, sa dépression ou son amour. Tous sont comme des enfants égocentriques qui n'en finissent pas de se chercher et de se contempler. Kowalski, incapable d'assumer son ambivalence, porte en écharpe son arrogance et sa vulgarité, Stella protège sa sœur mais met en scène jusqu'à ses disputes avec son mari, elle est d'ailleurs aussi violente que lui et elle ne peut pas s'empêcher d'être fière de ses débordements, la preuve au début quand elle montre Kowalski à Blanche en lui disant : "c'est celui qui fait le plus de boucan". Quant à Blanche, elle recrée une douceur de vivre fictive, s'invente une vie, met en scène sa mélancolie, invente une galanterie artificielle et se réfugie dans une névrose narcissique. "Lune bonsoir", dit-elle dans sa grande scène de séduction avec le sage et naïf Mitch. Elia Kazan n'a peur de rien, il filme ses personnages dans un clair-obscur où les ombres menacent mais où Blanche fait semblant de croire en un amour possible et toute séquence ruisselle d'ingénuité artificielle puis de trivialité. La mise en scène est d'une simplicité biblique. Enfantin et narcissique donc, Mitch joue jusqu'à la rupture brutale où la musique d'Alex North intervient : "quel âge avez-vous ?" Le clair de lune a fait place à la brume sur l'eau où brille les lueurs des lanternes comme les larmes de Blanche. Tout tremble l'eau, les lumières, la voix de Blanche sauf celle de Mitch qui fait l'homme mais qui ne tiendra pas parole. "Il y a parfois des miracles" murmure Blanche mais elle a parlé trop vite, il n'y a pas de miracle dans ce pays d'eau et de chaleur, il n'y a que des mirages.
Blanche qui malgré son prénom est prisonnière des ténèbres, bascule dans la folie en minaudant, cela pourrait paraître mièvre mais c'est finalement assez émouvant de montrer la folie comme un rétrécissement de l'être et de la maturité, comme un retour vers le paradis perdu de l'enfance. Comme quoi, malgré ses ridicules, le film existe bel et bien parce qu'il y perce une vérité profonde, c'est un précipité d'humanité où grouille le masculin et le féminin, la mélancolie et la gaïté, le désir et la mort. Tenessee Williams était homosexuel, il était aussi dépressif mais d'après Elia Kazan, il était très drôle et surtout il savait qu'un bon personnage est celui qui garde son mystère...
En conclusion, avec ses personnages complexes : un Marlon Brando misogyne, sanguin mais magnétique, une Vivien Leigh élégante, bouleversée, névrosée, aux portes de la folie, une Kim Hunter touchante en épouse indignée et en sœur dévouée et un Karl Malden en romantique désabusé, "A Streetcar named Desire" et son scénario parfait oscille entre pathétique et tragique. L'atmosphère du film, moite, étouffante, presque lascive et glauque met en valeur, au travers de dialogues fins et intelligemment écrits, une œuvre sur la souffrance psychologique, les frustrations sexuelles, les pulsions naturelles et le poids de l'inconscient. Dommage toutefois que ce film culte ait vu sa fin différée de celle de la pièce de Tennessee Williams où l'ex de Blanche est homosexuel...