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Mary Pickford a seulement 24 ans, lorsqu'on la surnomme "la petite fiancée de l'Amérique". D'ailleurs, tout réussi à l'actrice depuis ses débuts. A l'inverse, Douglas Fairbanks a eu pour le moins une carrière en dents de scie. Fils d'une mère Sudiste très catholique et d'un père d'origines juives ayant quasiment abandonné sa famille, le jeune Douglas tente très vite de se lancer au théâtre. Il y réussit plus ou moins bien. Pris d'une soif de voyage, alors qu'il n'a que 18 ans, il part au début des années 1900 avec quelques dollars en poche sur un cargo, le Georgian pour l'Angleterre. Douglas travaille dans les mâtes du bateau. C'est très sale, très fatiguant, mais cela lui rapporte 50 dollars. Arrivé à Londres, il décharge des bateaux sur la Tamise. Puis ayant envie de voir le continent, il s'embarque pour la Belgique, travaille dans les entrepots de bière et poursuivit par un rêve, décide de connaitre enfin la Ville Lumière. Douglas prend une place de troisième classe sur un bac, puis le train et arrive gare du Nord. Il erre dans les rue de Paris totalement fasciné. Bien qu'il ne parle pas un mot de Français, il dégotte un galetas rue Lamartine, qu'il partage pour 15 sous avec deux autres jeunes gens aussi fauchés que lui.
Dès le lendemain, il part chercher du travail. Il en trouve sur les quais de la Seine, en la personne du contremaitre Marriet, qui est chargé de diriger des ouvriers pour réparer les ponts de la capitale. La dureté du labeur ne fait pas peur à Douglas Fairbanks. Ce jeune américain, souriant, à l'allure énergique, casquette sur les yeux, ne connait qu'un mot en Français "Travail". Mais après quelques mois, Douglas Fairbanks ressent la nostalgie de New York. Il annonce à Marriet qu'il va partir. Tous deux se quittent les larmes aux yeux.
Au cours de sa vie, Douglas Fairbanks conservera toujours un amour particulier pour la France et les Français. Dans ses films, il va souvent jouer les camelots ; Il en profite pour mêler à son texte des mots d'argot qu'il n'oubliera jamais, toutes ces expressions apprises avec Marriet.
Rentré à New York, Douglas Fairbanks décide de faire l'acteur avec sérieux. Il se lance à corps perdu, avec une suite de succès, d'échecs et de longues éclipses. Il joue en tournée à Chicago, Boston et se marie avec Beth Sully, la fille d'un milliardaire du coton, qui veut que son gendre abandonne la carrière de "saltimbanque" pour... La fabrication du savon. C'est un désastre, Douglas n'est pas un homme d'affaires, du moins pas encore, sa vie c'est le cinéma. Et pourtant Douglas dédaigne l'écran, cela ne l'intéresse pas. Il ignore totalement qu'on peut y gagner beaucoup d'argent. Il reste dans le théâtre et décroche un rôle à Broadway dans The show Shop, où il se montre très brillant. Il se lance alors dans le cinéma et signe un contrat à Hollywood de trois ans avec deux mille dollars hebdomadaires. Il tourne de 1915 à 1916, treize films héroïco-comiques. Il devient connu... Mary Pickford ne peut alors s'empêcher de confier à Charlie Chaplin "Aucun homme n'a un sourire aussi irrésistible que Douglas Fairbanks...".
Bientôt à Hollywood, qui adore les cancans, ce n'est plus un secret pour personne, Mary et Doug sont tombés amoureux. Leur seul problème, tous les deux sont mariés de leur côté un divorce suscitait à cette époque un scandale. Mary a épousé un jeune acteur, Owen Moore...Mais la réussite fulgurante de la jeune femme les a éloigné l'un de l'autre. Quant à Douglas, il est venu à Hollywood avec sa femme Beth et leur petit garçon de cinq ans, Douglas Fairbanks, Jr. Malgré tout son amour pour Douglas, Mary est inquiète, elle se confie comme toujours à son amie Chaplin, qui devient le grand "conseiller psychologique" du couple. Mary a de plus en plus l'idée de se séparer de son mari, Douglas par contre a des remords d'abandonner sa femme et son fils. Pourtant leurs états d'âmes seront de courtes durée. Ils en ont assez de rencontres fortuites, de se cacher dans les hôtels.
C'est Douglas qui va brusquer les choses et poser un ultimatum à Mary Si tu ne viens pas me rejoindre tout de suite, je ne te reverrais jamais ; Affolée, Mary, se moquant des conséquences pour sa carrière, court rejoindre Douglas dans le pavillon de chasse qu'il a acheté depuis sa simple séparation avec Beth. Doug convoque un orchestre hawaien pour jouer de doux airs sous la fenêtre de leur chambre. Mary est conquise. Charlie Chaplin, croyant bien faire leur conseille, pour ne pas compliquer les choses de vivre simplement ensemble sans se marier. Les tourtereaux sont furieux et se fâchent avec Chaplin, hâtant leurs divorces respectifs. Personne ne leur en veut, les Etats-Unis rentrent en guerre contre l'Allemagne du Kaiser et Mary devient "la petite fiancée du monde". Douglas "le Don Juan international".
Les cinéastes de Hollywood et les vedettes participent à l'effort de la nation. La guerre finie, Douglas Fairbanks, très riche, fait construire et offre à Mary pour leur mariage en 1920, une somptueuse demeure de style anglais Tudor dans les collines de Bel Air. Un parc devenu ultra chic au-dessus de Sunset Boulevard et Beverly Hills. De la propriété, on voit de loin l'océan pacifique. En découvrant cette merveille, Mary, folle de joie décide de le baptiser Pickfair, début de leur deux noms. A Pickfair, ils reçoivent des rois, des reines, le prince de Galles, le monde entier, toutes les célébrités de l'époque. Mais les deux amoureux continuent tout de même à travailler...Agacés de devoir obéir aux producteurs, Mary, Doug, Charlie Chaplin et David Wark Griffith fondent United Artists afin de devenir leur propre producteur. Cette décision est très importante, car ils sont les premiers artistes à oser se révolter contre les studios. C'est ainsi que Douglas Fairbanks va tourner The Mark of Zorro (Le signe de Zorro, 1920), The Three Musketeers (Les Trois Mousquetaires, 1921), Robin Hood (Robin des bois, 1922), The Thief of Bagdad (Le voleur de Bagdad, 1924). Mary enchaîne Daddy long legs (Papa Longue-Jambes, 1919), Little Lord Fauntleroy (Le petit Lord Fauntleroy, 1921) , The Little Princess (Petite princesse, 1917) et The taming of the Shrew (La mégère apprivoisée, 1929) qu'elle tournera avec son époux.
Mary et Douglas deviennent des superstars internationales. A Paris devant une foule de cent mille personnes qui a envahi tout le quartier de la gare Saint-Lazare, les Champs Elysées, la Madeleine, la Place de la Concorde, Mary et Doug au balcon de l'hôtel Crillon, saluent comme des souverains de l'écran le peuple parisien.
Mais le temps passe, Mary vieillit, il va bientôt être difficile de jouer les adolescentes avec des anglaises et des sourires candides, emploi que va bientôt lui ravir une autre enfant vedette : Shirley Temple. Mary se sent fléchir et Doug la console comme il peut.
Pendant des années, le couple Pickford/Fairbanks a été inséparable, mais peu à peu, comme cela arrivera presque toujours à Hollywood, s'insinue entre Mary et Doug une fêlure. Douglas s'absente de plus en plus et Mary le soupçonne d'avoir une liaison.Il part même en Angleterre rejoindre Lady Ashley. Mary fait la grosse erreur de se plaindre, sous "le sceau du secret" à sa bonne amie, la plus féroce commère de Hollywood : Louella Parsons. Bien sûr, Louella jure à Mary une totale discrétion, mais la vipère ne pourra pas tenir sa langue plus de six semaines. Elle étale dans la presse du magnat Hearst le scandale. Mary Pickford n'est plus aux yeux du public, qu'une femme trompée. Lord Ashley à Londres, veut tuer Douglas Fairbanks, Mary, quant à elle ne pardonnera jamais sa trahison à Louella Parsons. Elle demande le divorce qui sera effectif en 1936.
Remarié avec Sylvia Ashley, Douglas revient parfois à Pickfair ; il reste assis à côté de Mary. Un jour, très triste, il murmure : "Quelle erreur, Mary". N'ayant plus tourné depuis cinq ans, Douglas meurt à l'âge de cinquante six ans d'une crise cardiaque.
La mort de Douglas affecte terriblement Mary. A partir de ce jour, pour apaiser sa douleur, la perte du seul homme qu'elle ait vraiment aimé, Mary se met à boire. Elle s'est pourtant remariée, mais ne peut se résoudre à oublier Douglas. Le public, lui, a complêtement oublié Mary Pickford, et elle le vit très mal. On vient lui soumettre des projets de films, dont certains seront des succès comme Sunset Boulevard (Boulevard du Crépuscule, 1950). Avec opiniâtreté, Mary entretiendra le mythe Pickford. Ses vieux films passent dans les cinémathèques, elle reçoit des prix, donne des conférences, des soirées à Pickfair, comme à l'époque de Douglas Fairbanks. Peu à peu, Mary Pickford s'enlise dans le passé, elle ne reçoit plus que des anciens du cinéma muet. Comme un rêve éveillé, elle essaie en vain de retrouver dans les yeux de ses invités, l'image de la petite fille aux cheveux bouclés que le public adorait.
En dépit de cette nostalgie, Mary poursuit sa carrière de productrice et ne cesse de livrer de nouveaux scénarios. Au début des années 60, elle ne sort presque plus. Enfermée dans sa tour d'ivoire, elle regarde sans cesse les photos de ses triomphes et ne peut admettre que Hollywood soit si cruel.Mary Pickford ne refera jamais son come-back ; Le 25 mari 1979, elle se sent mal ; transportée d'urgence à l'hôpîtal de Santa Monica, la "petite fiancée de l'Amérique" y meurt deux jours plus tard à l'âge de 83 ans, d'une hémorragie cérébrale.
Howard W.Koch, président de l'Academie du cinéma lui rendra ce bel hommage : "Mary Pickford n'était pas seulement, comme Douglas Faibanks, une légende vivante. Elle était également une très grande artiste..."
Pickfair resta vide pendant de nombreuses années...A Hollywood on chuchotait que les fantômes de Mary et de Douglas hantaient la nuit les corridors de leur demeure maintenant vide de tout habitant.