cinemaclassic.free.fr
Au départ, tout semblait réuni pour que John Marcellus Huston, né en 1906 à Nevada Missouri, réussisse une carrière d'artiste. Son père, Walter, d'origine irlandaise avait fait carrière dans le théâtre avant de s'imposer au début des années 30 à Hollywood aux côtés notamment de Frank Capra.
L'enfance de John Huston est toutefois difficile. Ses parents divorcent et il souffre à cause d'un coeur trop gros de la maladie de Bright qui était très difficile à soigner à l'approche des années 20. John Huston est alors un jeune adolescent de 13 ans, obligé d'aller dans un sanatorium. Une visite de Charles Chaplin entretient ses rêves d'artiste et renforce sa détermination pour guérir. Cette épreuve surmontée est peut-être la clé pour expliquer sa formidable longévité.
Dans un premier temps, John Huston est très attiré par le théâtre. Son modèle est son père qui a acquis une belle renommée à Broadway. Durant les années 20, John se produit à plusieurs reprises sur les scènes new-yorkaises. Lorsqu'il ne joue pas, le jeune homme se détend au Mexique. Un pays qui le fascinera toute sa vie et dont il appréciera toujours la qualité de vie.
A la fin des années 20, John Huston écrit une pièce Frankie et Johnny (Frankie and Johnny). Il fait deux discrètes apparitions au cinéma dans Hell's Heroes et The Shakedown sous la direction d'un futur grand d'Hollywood, William Wyler. En 1931, il a la chance d'intégrer la MGM qui était alors à l'orée de son apogée. Mais ses espoirs se transforment rapidement en frustrations. Son adaptation de La montagne magique de Thomas Mann ne sera jamais portée sur grand écran. Déçu, John Huston file alors à Universal et signe les dialogue de A House Divided de William Willer.
Au début des années 30, John Huston écrit plusieurs autres scénarios. Cette période lui permet de développer ses capacités pour adapter au cinéma de grands livres. Il se fait connaître auprès des grands producteurs et son avenir est pour beaucoup d'observateurs très prometteur.
Mais à Hollywood plus qu'ailleurs les espoirs sont fragiles. En 1933, John Huston cause la mort en voiture de la femme de l'acteur mexicain Raoul Roulien. Walter demande l'intervention des studios pour aider son fils. John Huston est partiellement disculpé des charges qui pèsent contre lui mais il doit quitter la Californie pour se faire oublier quelques temps. John se rend à Londres. Il rencontre Alfred Hitchcock à qui il propose un scénario que l'anglais refusera de porter à l'écran. Il participe à l'écriture de plusieurs films mais ne réussit pas à s'imposer véritablement dans le cinéma britannique.
Au milieu des années 30, John Huston aura plus de chance à Hollywood en intégrant la Warner Bros. Il a enfin trouvé un studio qui lui permet d'exprimer pleinement ses multiples talents avec la perspective de devenir réalisateur.
En 1941, John Huston réalise enfin son premier film : Le Faucon Maltais (The Maltese Falcon). Un projet assez curieux pour le jeune réalisateur, car deux versions avaient été présentées par la Warner dans les années 30. Pour la troisième fois en dix ans, le public allait suivre les aventures du détective Sam Spade avec cette vraie fausse statuette d'or au centre de toutes les convoitises.
John Huston décide de se démarquer très vite des deux autres adaptations du livre de Dashiell Hammett en respectant la structure du livre. Il bénéfice de la confiance de Jack Warner et se lance dans un projet dont les coûts de production seront limités.
Pour faire un grand film, il faut de grands acteurs. La chance de John Huston sera de disposer de Humphrey Bogart pour jouer le rôle principal. Jusque-là, l'acteur n'a pas confirmé tous les espoirs portés sur lui et il se sent prisonnier de son contrat d'exclusivité avec la Warner. Le Faucon Maltais va apporter à Bogart la renommée qu'il mérite et va faire de lui le plus célèbre fumeur de cigarette de l'histoire du cinéma. Inoubliables furent également les contributions de Sydney Greenstreet et de Peter Lorre, venu aux Etat-Unis après son interprétation dans M le Maudit (M, Eine Stadt sucht einen Morder) de Fritz Lang.
Dès sa sortie, Le Faucon Maltais va connaître un très gros succès. Ce que Huston ne pouvait soupçonner, c'est que son premier film deviendrait une référence en terme de film noir. Les années passées par Huston à écrire des scénarios avaient portées leurs fruits. A l'instar d'Orson Welles, il donnait l'impression, à 35 ans, d'avoir la maturité sur le plateau et en dehors, d'un réalisateur de 60 ans.
Durant toute la première moitié des années 40, John Huston va enchaîner les films à un rythme effréné. Il dirige Bette Davis dans L'amour n'est pas en jeu (In this our life), un drame passionnel méconnu et réalise une série de films ayant pour cadre la seconde guerre mondiale.
En 1948, John Huston va réaliser le film que beaucoup considèrent comme son chef d'oeuvre, Le Trésor de la Sierra Madre (The Treasure of the Sierra Madre). Il concentre tout ce qui caractérise l'oeuvre de Huston. L'aventure, l'obstination des hommes a atteindre un but, la sagesse et a pour cadre ce Mexique que Huston aime tant. Le réalisateur réussit à convaincre la Warner de pouvoir tourner en extérieur et à l'étranger, ce qui était extrêmement difficile à l'époque. La présence dans le rôle principal de Humphrey Borgart, devenue une immense star à Hollywood, offre une appréciable liberté à Huston. Mais le risque est grand. Pour la première fois, l'acteur ne va pas jouer un héros sympathique. Fred Dobbs, est en effet un homme égoïste que la découverte d'or rend paranoiaque.
Pour accompagner Bogart dans sa recherche du métal précieux, John Huston met en scène son père Walter et un Tim Holt, bien plus sage que dans The magnificent Ambersons d'Orson Welles. Le film est enfin marqué par une apparition à l'écran du réalisateur face à Bogart.
Aidé par de très bons dialogues et une très bonne photo, Le Trésor de la Sierra Madre va vite s'imposer comme l'un des plus grands films de la fin des années 40. Time magazine le considère comme "l'un des meilleures productions que Hollywood ait offerte depuis l'apparition du cinéma parlant". Le 24 mars 1949 est un grand jour pour la famille Huston. John remporte l'Oscar du meilleur réalisateur et du meilleur scénariste. Walter s'impose dans la catégorie du second rôle.
Juste après le tournage de Le Trésor de la Sierra Madre, John Huston continue sa collaboration avec Bogart pour la réalisation de Key Largo. Son acteur fétiche est accompagné de Lauren Bacall dans un film de gangster, marqué par la présence menaçante d'Edward G. Robinson.
En 1950, Huston montre un autre aspect du film noir avec Quand la ville dort (The Asphalt Jungle). Il n'y a pas de héros valeureux. Simplement un cambriolage, méthodiquement préparé qui va mal tourné. John Huston filme superbement le monde corrompu de la nuit, illuminé épisodiquement par la présence de Marilyn Monroe. La tension est personnalisée par le visage fermé de Sterling Hayden.
Par la suite, John Huston s'exprime dans un genre qui connaît son âge d'or dans les années 50, le film d'aventure. Pour anticiper le développement de la télévision, les studios se lancent dans de grandes productions en Technicolor et en extérieur. C'est souvent l'occasion de se replonger dans le passé, comme dans La Charge Victorieuse (The Red Badge of Courage), qui revisite la guerre de Sécession et que Huston réalise en 1951. En 1952, Huston retrouve Bogart dans L'Odyssée de l'African Queen (The African Queen) et dirige la grande dame du cinéma américain, Katharine Hepburn. Le public adorera les péripéties de ce couple que tout oppose sur un vieux rafiot. Une partie du tournage se déroule en Afrique ce qui suffisait à rendre ce film exceptionnel. Enfin cette production apportera à Humphrey Bogart l'Oscar qu'on lui avait injustement refusé pour Le Trésor de la Sierra Madre.
Durant les années qui vont suivre, John Huston va s'installer en Europe en partie pour éviter l'ambiance délétaire de la chasse aux sorcières. Ces succès lui ont permis de préparer ses productions sans être trop dépendent des grands studios Hollywoodiens. Le fort développement de l'industrie cinématographique en Italie et en Angleterre lui offre de nouvelles opportunités. En 1954, il tourne en Italie Plus fort que le diable, (Beat the devil) qui raconte l'expédition ratée d'escrocs à la recherche d'uranium en Afrique. Bogart ne se contente pas de tenir le haut de l'affiche, il est également producteur. Truman Capote participe à l'écriture de ce film qui sera le dernier du couple Bogart-Huston.
C'est en 1956 que John Huston se lance dans le projet le plus audacieux de sa carrière. L'adaptation au cinéma de Moby Dick, le chef d'oeuvre de Herman Melville. Le cinéaste dira plus tard qu'il a été le film le plus difficile à mener à son terme. Dans le rôle du capitaine Achab, Gregory Peck est prêt à tous les risques pour retrouver une immense baleine. Le tournage se déroule très loin des studios entre l'Irlande et l'île de Madère. Le résultat est sur le plan visuel une immense réussite qui impose le respect plus de 50 ans après sa réalisation.
En 1957, John Huston continue son tour du monde cinématographique dans les Caraibes, en compagnie de Robert Mitchum pour Dieu seul le sait (Heaven knows, Mr. Allison), un film dont l'action se déroule durant la deuxième guerre mondiale. Puis, ça sera autour de John Wayne d'être dirigé par Huston dans Le barbare et la geisha (The barbarian and the geisha), une production qui relate les relations entre les Etats-Unis et le Japon au 19ème siècle. Le tournage a lieu en Asie. Ce n'est qu'en 1960 que John Huston retrouve Hollywood. Le vent de la plaine (The Unforgiven) réalisé cette année-là, permet à Huston de travailler pour la première fois avec Burt Lancaster et Audrey Hepburn dans un western qui met en avant les relations entre les blancs et les indiens.
Au début des années 60, un projet attire l'attention de tous les observateurs à Hollywood. Une production doit réunir Clark Gable et deux des plus grandes stars des années 50, Marilyn Monroe et Montgomery Clift. Les Désaxés (The Misfits) est une histoire d'Henry Miller dans un style proche de Tennesse Williams. L'histoire est celle de Roslyn, une femme perdue qui vient de divorcer et qui rencontre deux hommes qui se lancent dans une chasse aux chevaux dans le désert. Un tel mélodrame rempli de mélancolie semble destiné à Elia Kazan ou Vincente Minnelli. C'est pourtant John Huston qui va le réaliser.
Dès le départ, le réalisateur va se retrouver face à une succession de problèmes. Les conditions climatiques sont très dures. La presse à sensation est omniprésente. Et la fatigue de Marilyn Monroe entraîne l'interruption du tournage. Quelques jours après le clap de fin, Les Désaxés prendra même un tour dramatique avec la mort de Clark Gable. Pour beaucoup, le stress présent sur son dernier film en est la conséquence.
Durant la suite des années 60, John Huston va prendre plaisir à aller là où on ne l'attend pas. Chaque film donne lieu à une expérimentation et à de nouvelles prises de risques. En 1962, il porte à l'écran la vie de Sigmund Freud. L'année suivante, il change l'apparence d'un grand nombre de stars dans Le Dernier de la liste (The List Adran Messenger), un film d'espionnage divertissant où le public est incapable de reconnaître Robert Mitchum et Burt Lancaster.
En 1964, John Huston revient à un sujet plus sérieux avec la réalisation de La nuit de l'iguane (The night of the Iguana) d'après Tennesse Williams. Un huis-clos étouffant qui a pour cadre un hôtel au Mexique tenu par Ava Gardner. Richard Burton interprète de manière poignante un ancien révérend victime du puritanisme et des conventions.
Durant cette période, John Huston a envie de revenir à ses premiers amours. Il joue Noé dans son adaptation de La Bible (The Bible) et s'offre un petit rôle dans Casino Royal qu'il co-réalise. Mais ce n'est qu'en 1974 que John Huston aura le rôle de sa vie dans Chinatown de Roman Polanski où il interprète un patriarche terrifiant pour Faye Dunaway.
Jusqu'au au milieu des années 70, John Huston enchaîne les tournages sans rencontrer le succès auprès du public. Pourtant, il demeure un cinéaste capable d'attirer les plus grandes stars. Dans Reflets dans un oeil d'or (Reflections in a golden eye), Marlon Brando et Elizabeth Taylor sont réunis pour la première fois. Ce film décrit de manière brillante les rapports de force dans la vie de deux couples. Il a pour cadre une garnison militaire américaine parfaitement recréée à Cinecitta. Marlon Brando interprète un mari constamment humilié par sa femme. Julie Harris est inoubliable dans le rôle d'une femme ne parvenant pas à se remettre de la mort de sa fille. Reflets dans un oeil d'or est également une grande réussite sur le plan visuel, avec des effets dorés à l'écran que l'on avait jamais vu auparavant.
A partir du début des années 70, le cinéma américain change de visage. Le public plébiscite des films comme Macadam Cowboy (Midnight Cowboy ) et French Connection (The French Connection), tournés en extérieur avec une approche extrêmement réaliste. Contre toute attente, John Huston va participer à ce mouvement en 1973 avec Fat City (Fat City). La rencontre de deux boxeurs amateurs dans la ville poussiéreuse de Stockton qui n'a rien du rêve californien. C'est également une chronique sociale très dure où l'on évoque l'alcoolisme des femmes. Puis, John Huston revient à des projets plus conventionnels. Il dirige Paul Newman dans le western Juge et hors-la-loi (The life and times of judge Roy Bean) et le dans film d'action Le Piège (The Mackintosh man) tourné en Europe.
En 1975, le réalisateur va enfin retrouvé un succès populaire avec L'homme qui voulut être roi (The man who would be king) .Il s'agit d'abord de la réunion des deux plus grandes stars britanniques du moment, Michael Caine et Sean Connery. Ils interprétent un duo d'aventuriers qui part d'Inde pour rallier le Kafiristan où le personnage joué par Connery va conquérir son propre royaume et le perdre.
Comme Le Faucon Maltais, L'homme qui voulut être roi va rentrer dans l'histoire du cinéma et devenir pour beaucoup une référence en terme de cinéma d'aventure. Un spectacle superbement maitrisé qui grâce à de nombreuses diffusions à la télévision va toucher plusieurs générations de cinéphiles.
A l'approche de ses 70 ans, John Huston est plus actif que jamais. Entre le milieu des années 70 et le début des années 80, Il réalise un film sur l'Indépendance des Etats-Unis, un threaler Phoebia, un film de guerre A nous la victoire (Escape to Victory) et même une comédie musicale : Annie. Tous ces films vont déçevoir les admirateurs de John Huston. Pour beaucoup, il est un grand réalisateur qui s'égare trop souvent dans des productions indignes de son talent. La sortie de sa dernière production n'est plus un événement.
John Huston se moque des critiques et encore plus de la cote qu'il peut avoir à Hollywood. En 1983, il tourne pour la troisième fois de sa carrière au Mexique pour l'adaptation au cinéma d'Au-dessous du volcan (Under the Volcano) de Malcom Lowry. Un livre que Joseph Losey avait longtemps tenté de porter à l'écran sans réussite. Il faut dire que le sujet est difficile. L'histoire à la fin des années 30 d'un consul alcoolique tourmenté par le rôle qu'il a joué durant la première guerre mondiale. Un homme également marqué par le retour de son ex-femme qui l'a trompé avec son demi-frère. Pour interpréter le rôle de Geoffrey Firmin, John Huston a l'intuition de choisir Albert Finney. Le grand acteur britannique apparaît à l'écran méconnaissable, fatigué après avoir pris beaucoup de poids.
Le Festival de Cannes 1984 va marquer le grand retour de John Huston sur la scène cinématographique mondiale. Au-dessous du volcan reçoit un très bon accueil au point que beaucoup de festivaliers lui prédisent une Palme d'Or. Le soir de la remise des prix, Huston est présent dans la salle. Au moment où la cérémonie touche à sa fin, il est assis à côté de Wim Wenders venu présenter Paris, Texas. Les deux hommes se regardent espérant qu'ils auront une Palme chacun. Finalement, le jury présidé par Dirk Bogarde donne la victoire au réalisateur allemand, John Huston reçoit un prix honorifique pour l'ensemble de sa carrière.
L'année suivante, Huston revient aux Etats-Unis dans le but de retravailler avec sa fille. Assez rapidement, Anjelica a réussi à se faire un prénom dans le cinéma américain. Dans L'Honneur des Prizzi (Prizzi's honor), elle est présente à l'écran avec Jack Nicholson avec qui elle vivait depuis longtemps.
L'Honneur des Prizzi est bien plus qu'une satire du film de gangster. Le réalisateur se régale en racontant les excès d'une famille de mafieux newyorkais. Les dialogues sont formidables et le scénario plein de rebondissements et d'ironie.
Après avoir obtenu un gros succès auprès du public, L'Honneur des Prizzi va même se retrouver engagé dans la course aux Oscars. John Huston est nominé dans la catégorie du meilleur réalisateur, 44 ans après span>Le Faucon Maltais Malheuresement, le cinéaste ne peut pas profiter peinement de ce bonheur familial et professionnel. Sa santé lui pose de plus en plus de problèmes. En 1987, il trouve toutefois la force de tourner à Dublin : Les Gens de Dublin (The Dead) d'après le livre de James Joyce. Un film intimiste, dirigé en un mois, qui raconte la soirée de deux vielles demoiselles, dans le Dublin du début 20ème du siècle.
Avant même la sortie en salle de son dernier film, John Huston s'éteint le 28 août 1987, non sans avoir envisagé un tournage avec Robert De Niro. L'annonce de sa mort entraine de nombreux hommages dans le monde du cinéma. Et à sa sortie Les Gens de Dublin reçoit toute une série critiques élogieuses. Peut-être les meilleures que Huston ait jamais reçues.
La contribution de John Huston à l'histoire du cinéma a donc été énorme. Bien sûr, tous ces films ne sont pas des chefs d'oeuvres. Mais avec le temps, Reflets dans un oeil d'or, Les Désaxés ou La nuit de l'iguane ont réussi a avoir la consédération qu'ils n'avaient pas eu à leur sortie. Grâce à sa très belle carrière, Anjelica perpétue aujourd'hui la dynastie. Et le nom de John Huston restera pour toujours synonyme de rêve, de passion et d'évasion.
Les années Warner
L'âge d'or du film d'aventure
Des années d'incompréhension avec le public
Plus actif que jamais à 70 ans
Un retour inespéré dans les années 80