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Elle naît dans la pauvreté à Brooklyn le 16 juillet 1907. Sa mère meurt et son père l'abandonne à l'âge de deux ans. Orpheline très jeune, cadette de cinq enfants, son frère Malcolm la protège pendant son enfance. Elle est élevée par sa sœur aînée Mildred mais aussi et surtout dans des familles d'accueil : elle n'oubliera jamais la morosité des logements et la dure vie de la rue lorsqu'elle connaîtra la célébrité...
A 16 ans, elle chante dans des spectacles de boîtes de nuit. Elle débute dans des bars clandestins comme le Texas Guinan, un passé qu'elle ne reniera jamais.
En 1922, elle obtient un engagement à Broadway comme chorus girl dans les Ziegfiled Follies. En 1924, elle joue une jolie jeune fille à la tête froide et utilise toujours son vrai nom : Ruby Stevens. Elle obtient son premier rôle dans The Noose. Willard Mack crée le nom qui la fera connaître en s'inspirant d'un ancien programme. Le nom de Barbara Stanwyck la rend célèbre en 1927 dans la pièce Burlesque. Elle y rencontre Frank Fay, chanteur de music-hall, acteur comique, une personnalité forte à l'écran et en coulisses. Ils se marient en 1928. Fay décroche un contrat pour un film : il est l'un des premiers acteurs de films parlants. Elle le suit alors à Hollywood et joue dans un film quasi autobiographique. Elle adore la Californie mais son métier l'épuise ; les mauvais rôles se succèdent. Fay l'aide à se faire des relations ; en effet, les studios ne voient pas son bel avenir mais son passé difficile. Hollywood la condamne à jouer dans des films à petits budgets...
Néanmoins, en 1933, Baby Face (Liliane) est un film surprenant. Ici, son personne gravit les échelons grâce aux promotions canapés. Le très jeune John Wayne est l'une des victimes de son ascension. Personne n'est à l'abri de son ambition sans pitié : elle brise des carrières, provoque des meurtres, des suicides. Elle obtient finalement les faveurs du directeur de la banque...
Quoi qu'elle fasse, quelque soient ses rôles, elle est mal considérée. Comme dans Shopworn (1932). Pauvre mais respectable, sa faute est d'aimer un garçon riche...
Les stéréotypes la rendent folle. Barbara est même qualifiée de "porc-épic" par un réalisateur. Mais ce jeune réalisateur qui n'est autre que le futur célèbre Frank Capra est préoccupé par le succès. Après avoir vu un bout d'essai, il change d'avis. Malgré l'avis du studio, il choisit Barbara pour Ladies of Leisure (1930). Stanwyck a une chose que même Capra n'a pu lui apprendre : "Elle s'empare de votre cœur et le réduit en miettes" dit-il et tombe amoureux d'elle, professionnellement parlant. Elle le remerciera plus tard d'avoir été le guide dont elle avait besoin. Ses émotions, à fleur de peau, se dégagent dès la première prise. Capra utilise jusqu'à quatre caméras : elles révèlent une vulnérabilité que personne n'avait vue en elle. Ils tournent ensemble quatre films en trois ans, changeant son image et sa carrière. Son image tout d'abord : Capra la montre douce et délicate. Réalisateur idéaliste, il embellit sa nouvelle star. Il ôte les apparats, la fausse rudesse et en fait une actrice que le public peut chérir. Ses nouveaux rôles ouvrent son horizon à Barbara et lui redonnent confiance.
Sa carrière prospère mais celle de Fay décline. Il se met à boire. Ils adoptent un fils, Dion, peut-être pour sauver leur couple mais rien ne s'arrange. Au moment de divorcer, ils s'en disputent la garde. Barbara gagne mais Dion se détache d'eux.
Barbara mène un combat similaire dans Stella Dallas (1937) : Stella a bon cœur mais ignore les bonnes manières... Sam Goldwyn est convaincu lorsqu'il voit un bout d'essai. Pour ce rôle, elle obtient sa première nomination aux Oscars. Ce succès et l'estime qui en résulte lui ouvrent de nouvelles voies. Alors que le film se termine, son avenir s'annonce riche en promesses.
En 1936, Barbara Stanwyck rencontre Robert Taylor, une star montante. Elle a quatre ans de plus que lui. Leur romance se reflète à l'écran dans His Brother's Wife (La Fièvre des Tropiques, 1936), mais le studio craint que cette idylle n'affecte sa carrière.
Ils se fréquentent depuis trois ans quand un magazine les surnomme "le couple marié non marié d'Hollywood". La MGM insiste alors pour qu'ils se marient mais ils passent leur nuit de noce séparés ; Robert rentrant chez sa mère. Barbara et Robert s'installent dans un ranch. Il l'appelle "Reine" ; elle le baptise "Junior". Ils forment ensemble un couple hors du commun. Les extrêmes s'attirent : un campagnard attaché à sa famille et une citadine presque orpheline. Un bel homme et une femme forte et ambitieuse. "Je vais lui apprendre tout ce qu'il ne sait pas !" dit-elle. "Les filles comme elle sont rares dans le Nebraska !" dit Taylor. Barbara jubile, elle aime cet homme très séduisant.
Barbara est l'une des rares stars de l'époque à gérer seule sa carrière, libérée de tout engagement à long terme. Elle est en harmonie avec les comédies romantiques du moment. Elle est désormais libre d'être ce qu'elle n'a jamais pu être : drôle. The Lady Eve (Un cœur pris au piège, 1941) avec Henry Fonda, réalisé par Preston Sturges, en est un parfait exemple. De victime, elle devient une femme capable de manipuler les hommes. Ball of Fire (Boule de feu, 1941) est une autre de ses comédies : chanteuse, elle se réfugie chez des intellectuels. Sugarpuss O'Shea, son personnage, distrait les rats de bibliothèque. L'actrice est récompensée pour ce rôle par une nomination aux Oscars.
Barbara est une femme nouvelle. Ses personnages sont responsables de leur destin et des sentiments d'autres personnes. "Je donne aux hommes l'impression que la lune s'est envolée" dit-elle dans un de ses films. Avec elle, les hommes ont une sensation incroyable de liberté. Ce talent se retrouve dans ses comédies et ses films plus sérieux. Elle sait aussi être dure quand c'est nécessaire comme dans Golden Boy (L'esclave aux mains d'or, 1939), d'après la célèbre pièce de Clifford Odets. La vie imite l'écran : William Holden, son partenaire dans Golden Boy, est aussi peu sûr de lui dans la vie qu'à l'écran. Barbara le guide et menace de démissionner s'il est renvoyé. Dans le film, elle aide le boxeur qui veut devenir violoniste. Dans la vie, elle encourage l'acteur. Il dira toujours qu'il lui devait sa carrière.
Avec Meet John Dœ (L'homme de la rue, 1941), elle retrouve Frank Capra. Journaliste, elle crée un héros populaire pour stimuler les ventes. Elle trouve un homme innocent pour le rôle, joué par Gary Cooper. Son histoire passionne les foules. A la fin, il sent qu'il doit se suicider, comme elle l'a prévu ; ses créanciers riches et corrompus l'ont trahi. Ceux qui croient en lui assistent aussi à son acte désesperé. Mais Ann (Barbara) aime John et doit sauver celui qu'elle a créé de l'autodestruction... Ce film est le plus troublant de Capra et celui où Barbara joue son rôle le plus torturé. Meet John Dœ annonce des films encore plus noirs et des rôles encore plus sombres pour Barbara.
Sombre, vulgaire et extrêmement drôle, Double Indemnity (Assurance sur la mort, 1944) définit le film noir des années 40. Ni Barbara ni Fred McMurray, l'acteur désigné pour être son partenaire, ne veulent faire ce film. Elle a déjà tué à l'écran par excès de passion jamais par fourberie. Billy Wilder, le réalisateur, en appelle à son instinct d'actrice. C'est le rôle le plus noir mais aussi le plus grisant de Barbara. Comme toujours, son instinct l'emporte. Double Indemnity marque un tournant pour Barbara et Hollywood. Dans le film, deux étrangers deviennent amants puis assassins. Ils ont tué son mari pour toucher l'argent de son assurance. Il n'y a qu'une issue possible : trahison et destruction mutuelles... Ce nouveau succès lui vaut une autre nomination aux Oscars et en 1944, elle est la femme la mieux payée des Etats-Unis.
Dans ses films des années 40 et 50, Barbara vit souvent des passions mystérieuses et incontrôlables. Elle dégage une nouvelle violence, une rage féroce. Dans The Strange Love of Martha Ivers (l'Emprise du crime, 1946), elle est sauvage et mauvaise. Un homme ne doit jamais la sous-estimer et elle est alors l'actrice la plus dangereuse du cinéma. Elle ose jouer toutes les émotions, commettre tous les crimes.
Son mariage avec Taylor s'effrite. Elle devient cynique à l'écran. Dans la vie, elle est possessive et il a besoin de liberté. Quo Vadis, tourné à Rome en 1950, est le début de la fin. Barbara reste à la maison tandis que Taylor occupe le haut de l'affiche avec Deborah Kerr. Selon les rumeurs, il multiplie les conquêtes. Barbara se précipite à Rome, mais le couple se sépare en 1951. Elle ne lui pardonnera pas et ne se remariera jamais.
Déjà secrète, Barbara se replie de plus en plus sur elle-même. Elle n'aime pas qu'on la remarque et ne vit plus que pour son travail qui prend une nouvelle tournure. Elle joue la victime, trompée et prise au piège par ses désirs, par des hommes malhonnêtes ou par l'époque. Dans les années 50, les femmes indépendantes sont mal vues. A l'écran, elle vit dans l'épouvante. Dans Sorry, wrong number (Raccrochez, c'est une erreur, 1948) , elle joue une paralytique dont le mari a engagé un tueur à gages. Elle est nominée aux Oscars pour la quatrième fois.
Barbara est l'égale de n'importe quel homme. Elle le prouve dans les westerns. Elle aime l'Ouest ; elle adore la Californie, ses grands espaces et son atmosphère. Elle y trouve tout ce qui lui a manqué dans son enfance. Avec l'âge, l'Ouest donne de la profondeur à ses personnages : il est à la mesure de ses émotions. Poussée à l'intériorisation par des paysages étouffants, elle peut désormais s'extérioriser. Elle prend la tête des plus grands empires. Dans Forty Guns (Quarante Tueurs, 1957), elle commande sa propre armée. Elle n'a jamais froid aux yeux, surtout devant les hommes...
Ses interprétations diaboliques sont souvent à couper le souffle. La télévision l'assagit. Elle joue la matriache de The Big Valley (La Grande Vallée). Sous son gant de velours apparent se cache souvent une main de fer. Elle a besoin de jouer ; pour l'émotion et non pour l'argent. Elle adore l'ambiance des tournages et avec le temps, elle est de plus en plus dévouée à son métier.
"Je jouerai jusqu'à ce qu'on me tue", dira Barbara un jour. Les prix, les hommages et l'Oscar spécial qu'elle a reçus récompensent une femme qui est toujours allée de l'avant, indifférente à la gloire et à l'âge qui avance. 60 ans de carrière, une centaine de rôles et quel que soit son rôle, elle reste toujours elle-même : une femme indépendante au caractère insatiable. Barbara Stanwyck avait une prestance légendaire. Elle savait être la plus sexy, la plus téméraire ou la plus déterminée. Aucun homme ne se serait mesuré à elle. Elle savait quand renoncer à sa dignité, elle savait remplir les silences et envouter la caméra...
Barbara Stanwyck nous a quittés le 20 janvier 1990 suite à un arrêt cardiaque et des problèmes pulmonaires. Son ascension vers la gloire fut parsemée d'embûches mais elle n'a jamais supplié d'être aimée. Elle a gagné le respect du public au fil des rôles...