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Bette naît Ruth Elisabeth Davis le 5 avril 1908 à Lowell (Massachusetts). Son père, Edward Harlow Davis, est un homme froid et indifférent. Quand Bette a sept ans, Edward se sépare de sa mère, Ruth. Plus tard, ils divorceront, événement scandaleux pour l'époque et qui contribuera à la méfiance de Bette envers les hommes. Sa sœur cadette, Bobby, est perturbée et instable ; Bette s'occupera d'elle tout au long de sa vie. La mère de la future actrice travaille comme photographe pour payer les études de ses filles.
Obstinée et dominatrice, Bette recherche l'attention. C'est avec la danse qu'elle découvre les projecteurs. Elle voit une pièce à Boston avec une actrice qui s'appelait Peg Entwhistle qui lui ressemble tellement... Cependant, c'est la mère de Bette qui veille à ce que sa fille entre à l'école de théâtre et suive une formation pour devenir actrice.
En 1928, la jeune femme fait ses débuts dans une troupe dirigée par George Cukor dont elle est renvoyée deux mois plus tard. Qu'importe, elle joue à Broadway l'année suivante dans Broken Dishes.
En 1930, elle est remarquée par les studios Universal qui lui offre un contrat de 300 dollars par semaine. Elle redoute de passer du théâtre au cinéma mais elle sent que c'est le média de l'avenir et qu'il faut qu'elle essaye. Elle ne croit pas qu'elle deviendra une vedette, se rendant compte du contraste entre elle et les femmes sublimes qui jouent dans les films muets. Au théâtre, le physique n'avait pas d'importance mais elle sait qu'il en est autrement pour le cinéma.
A 22 ans, elle tourne son premier film The Bad Sister (1931). Les gens du studio l'appellent avec mépris "le petit roitelet". Après cinq films négligeables, son contrat n'est pas renouvelé. George Arliss, ancien professeur de Bette et star de la Warner, lui offre tout de même une seconde chance. Il la réclame à ses côtés dans The Man Who Played God (L'homme qui jouait Dieu, 1932). La nouvelle recrue ne chôme pas : Bette tourne neuf films en treize mois et bien qu'elle soit débordée, elle garde son sens de l'humour.
Jack Warner est passé maître dans les productions en série. Le studio qu'il dirige avec ses frères trouve son rythme avec des films de gangster. Difficile pour une jeune actrice de s'y faire un nom. Bette et Jack auront des rapports houleux tout au long de leur collaboration, elle sera franche et dira toujours ce qu'elle pense mais il la respectera.
Ce n'est qu'après que Bette ait tourné Of Human Bondage (L'Emprise, 1934) pour la RKO que Warner se rend compte de son potentiel. Elle a obtenu ce rôle parce qu'à l'époque aucune actrice connue n'en voulait, c'était le premier vrai rôle de garce à l'écran. Jack Warner dira : " Ils lui ont enfin trouvé un registre !"
Son image de dure est renforcée
dans Dangerous (L'Intruse, 1935).
Le film lui vaut son premier Oscar qu'elle considère comme un prix
de consolation pour Oh Human Bondage.
En 1932, alors qu'elle tourne
Cabin in the Cotton (Ombres vers le Sud), Bette épouse
son premier mari, son amour d'enfance Ham Nelson. Ham est un musicien modeste,
lui et Bette sont mal assortis. Plus il devient soumis, plus elle l'humilie...
Malgré l'Oscar, la Warner la cantonne à des films mineurs. Son contrat l'oblige à accepter n'importe quel rôle. Le studio a le loisir de la renvoyer tous les six mois, mais elle n'a pas le droit de démissionner. Bette se bat sans cesse pour des questions d'argent et pour des rôles de qualité. Indigné par ses exigences, le studio la suspend. Laissant tomber la Warner, Bette part à Londres tourner pour une autre compagnie. Le studio lui fait un procès, elle perd et doit rentrer acquitter ses obligations.
Bette a perdu mais la Warner a saisi le message et sous l'influence du producteur Hal Wallis, elle achète des scénarii forts pour la star montante : The Petrified Forest (La Forêt Pétrifiée, 1936) ou The Man who came to Dinner (L'invité de Madame, 1942). Bette lui en sera éternellement reconnaissante.
Depuis le lancement du projet de Gone with the wind (Autant en emporte le vent, 1939), la Warner désire rivaliser avec sa propre épopée sudiste. Elle acquière Jezebel (l'Insoumise, 1938) avec Bette dans le rôle principal et engage le perfectionniste William Wyler à la réalisation. Commence alors la meilleure période de la carrière de Bette. Elle trouve son égal en celui qu'on surnomme "Wyler-40-prises". Elle abandonne son maniérisme et apprend la valeur du silence et de la simplicité. Il y a tant de lavettes parmi les réalisateurs, disait-elle, aucun d'eux ne m'a sécurisée comme l'a fait ce tyran ! Sur le tournage de Jezebel, ils deviennent amants.
Dans Jezebel, Bette scandalise la ville et son amant Henry Fonda en portant une robe rouge au lieu d'une blanche au bal annuel. Dans l'espoir de le regagner, elle implore son pardon... Pendant le tournage, Henry Fonda allait être père donc les scènes avec lui furent bouclées aussi vite que possible. Bette dut donc jouer seule pour les gros plans, regardant dans le vide tout en prenant un air inspiré.
En 1939, à l'âge de 30 ans, Bette remporte son second Oscar avec Jezebel. La même année, son mariage avec Ham se termine par un âpre divorce. Elle travaille de nouveau avec Wyler deux ans plus tard dans The Letter (La lettre, 1940) de Somerset Maugham ; elle est prodigieuse en femme mariée qui assassine son amant.
Dès le tournage de The Little Foxes (La Vipère, 1941), leur troisième collaboration, Wyler et Davis sont à couteaux tirés mais Wyler restera un de ses éternels admirateurs. Bette le reconnaîtra toujours comme son réalisateur culte...
Son rôle dans Dark Victory (Victoire sur la nuit, 1939) reste le préféré de Bette. Bette a mis trois ans à convaincre Jack Warner de la laisser jouer.
Après cinq films ensemble, Bette fréquente George Brent, le séducteur le plus occupé d'Hollywood. Ils ne se marient toutefois pas, elle avait toujours dit qu'elle n'épouserait pas un acteur.
Sur The Sisters (Nuit de bal, 1938), elle a une liaison avec le réalisateur Anatole Litvak, le mari de l'actrice Miriam Hopkins. Dans le film suivant The Old Maid (La vieille fille), Bette joue aux côtés de Miriam et la fiction rejoint la réalité. Bette dira plus tard que Miriam était extrêmement jalouse mais Miriam a de bonnes raisons de l'être. Elle sait que son mari la trompe et Bette a eu un Oscar pour un rôle qu'elle avait elle-même tenu. Quand les deux femmes se retrouvent pour Old Acquaintance (L'impossible Amour, 1943), leur animosité peut être mise à profit...
Ne craignant pas d'être vieillie, Bette incarne à 30 ans une reine Elisabeth sexagénaire dans The Private lives of Elizabeth and Essex (La vie privée d'Elisabeth d'Angleterre, 1939). Elle réclame Laurence Olivier mais obtient Errol Flynn. Elle déteste le réalisateur, le tyrannique Michael Curtiz mais affectionne sa partenaire, Olivia de Havilland, qui sera une des rares amies qu'elle compte hors de sa famille.
En 1940, Bette rencontre son deuxième mari, Arthur Farnsworth, un homme sujet à l'alcoolisme.
A l'époque de Now, Voyager (Une femme cherche son destin, 1942) et de sa cinquième nomination aux Oscars, Bette est la reine incontestée de la Warner. Elle impose ses réalisateurs et les mène à la baguette. Elle choisit Irving Rapper, son ancien répétiteur et lui rend la vie infernale en dirigeant le plateau. Le résultat est un classique du film sentimental, un soap hollywoodien dans toute sa splendeur.
S'engageant dans l'effort de guerre en 1942, Bette et John Garfield fondent le Hollywood Canteen et enrôlent les gens de cinéma pour divertir les troupes. Bette chante même pour la cause.
Un an plus tard, son mari Arthur Farnsworth fait une chute mortelle dans une rue de Los Angeles. Bette se consacre plus encore à la Canteen où elle rencontre Lewis Riley qu'elle suit à Fort Benning à la stupéfaction d'Hollywood. Mais Riley part à l'étranger et peu après, à Laguna Beach, elle rencontre le marin William Grant Sherry, culturiste et artiste amateur. Cinq semaines après, elle l'épouse sur une impulsion. Mais elle découvre vite que Sherry est enclin à des crises de violence. Elle avait malmené des gens à l'écran mais elle ne s'attendait pas à l'être elle-même...
En 1947, à 39 ans, elle donne naissance à une fille Barbara Davis Sherry, dite B.D. Bette dira plus tard que sa vie sans enfant aurait été une histoire triste et désolante. Mais craignant pour la sécurité de sa fille, elle demande le divorce. Une fois de plus, elle n'avait pas épousé le bon.
Après avoir bataillé avec la Warner pour des projets de qualité, on l'autorise enfin à produire ses propres films. Un contrat de cinq ans, assorti de 115 000 dollars par film, l'engage à tourner quatorze films, dont cinq qu'elle peut produire pour sa propre compagnie mais Bette ne profite pas de l'occasion. Elle ne produit qu'un seul film, le mélodrame A Stolen Life (La Voleuse, 1946) et dissout sa compagnie quelques années plus tard pour retourner auprès de Warner se plaindre de ses rôles...
Après la guerre, le goût du public a changé. Bette connaît trois échecs successifs. L'heure n'est plus au modèle de la femme indépendante. Beyond the Forest (La Garce, 1949) dirigé par King Vidor est son dernier film pour la Warner. Trop âgée dans le rôle de la femme fatale adultère, elle frise l'auto parodie. En 1949, Bette demande à être libérée de son contrat. Jack Warner calcule froidement son poids au box-office et la laisse partir sans discuter. Elle aura passé deux décennies à arpenter les escaliers du studio...
Un an après son départ, All about Eve (Eve, 1950) signera sa revanche artistique. Ce sera le film le plus nominé de l'histoire d'Hollywood avec quatorze nominations et six Oscars. Bien que le rôle de Margo Channing n'ait pas été écrit pour Bette, il est lié à jamais à sa légende. Mankiewicz l'avait écrit pour Claudette Colbert mais cette dernière s'est blessée au dos et ne peut pas tourner. Dans All about Eve, Bette côtoie l'acteur Gary Merrill.
Espérant que ce mariage durerait, elle fait de Merrill son quatrième mari. Revenant à leurs racines yankees, ils s'installent dans le Maine. Ils adoptent deux enfants, Margo et Michael mais la petite Margo souffre d'une lésion cérébrale et doit être placée en institution. Malgré tout, Bette ne l'abandonnera jamais et chaque vacances seront passées ensemble.
Son mariage chaotique avec Merrill finit en divorce dix ans plus tard. Dans les années 50, les premiers rôles laissent place à des rôles secondaires et Bette fait même de la publicité. Avide de travail, Bette choque la profession en passant une annonce dans Variety. En 1961, elle tourne à nouveau pour la Warner et triomphe dans What Ever Happened to Baby Jane (Qu'est-il arrivé à Baby Jane ?, 1962) Sa rivalité avec Joan Crawford est largement exploitée mais elle n'est pas infondée. Elles avaient été des rivales implacables chez la Warner et Bette accuse Crawford d'être jalouse d'elle et d'avoir tout fait pour qu'elle ne reçoive pas un troisième Oscar.
Quels que soient les honneurs et le succès, rien n'a su venir à bout de sa combativité. Qu'il s'agisse de chefs-d'œuvre ou de navets, elle s'implique dans ses rôles comme si sa vie en dépendait. Et c'est peut-être le cas... Même âgée de 70 ans, au lieu de se retirer dans sa loge, elle reste sur le plateau avec les techniciens à savourer l'ambiance de son lieu de travail, son vrai foyer. Elle n'envisage jamais la retraite. L'orgueilleuse Yankee ignore le repos, la diva ne peut quitter le feu des projecteurs...
En 1977, c'est la première femme récompensée pour l'ensemble de sa carrière. Elle revient vivre à Los Angeles, emménage à La Maison Coloniale et joue dans Hôtel, une série télévisée. Suivent trois longs métrages et huit téléfilms.
A
75 ans, elle tombe gravement malade en faisant une attaque cérébrale.
Kathryn Sermark, son assistante et confidente, l'aide à faire front
et lui redonne l'envie de vivre. Ensemble, elles publient un livre sur
sa guérison. Au même moment, sa fille B.D prépare aussi
un livre. Bette découvre avec horreur que dans ce livre sa fille
l'accable, chose qu'elle n'accepte pas, c'est un choc. Elle dit qu'elle
a perdu sa fille. Elles ne se parleront plus jamais.
Fragile mais infatigable, Bette
tourne encore trois films. En 1987, aux côtés de la légende
du muet Lillian Gish, elle tourne The Whales
of August (Les Baleines du Mois d'Août). En 1989,
elle reçoit un prix au festival de San Sebastian et tombe malade.
Elle meurt à Paris le 6 octobre 1989. Elle a 81 ans. Sur sa tombe
est écrit :"She did it the hard way" (Elle
a vécu sans concessions).
L'expérience m'a enseigné, écrivait Bette, que les rapports humains ne sont pas durablement gratifiants. Seul le travail apporte une véritable satisfaction. Elle a travaillé jusqu'à la fin et n'a jamais abandonné son meilleur rôle : celui de sa vie...