BIOGRAPHIE BETTE DAVIS : The Fifth Warner Brother
D'après un documentaire télévisé américain de Susan F. Walker avec Jodie Foster en narratrice pour Turner Pictures, Inc. (1993)
En soixante ans et cent un films, Bette Davis s’est donnée superbement en spectacle… Elle a comploté, elle a fumé, elle a séduit, elle a souffert, elle s’est sacrifiée, elle a lancé des répliques mémorables : Bette Davis a tout dit. Orgueilleuse et volontaire, elle a conquis le sommet, luttant contre les studios, ses maris et ses partenaires. Elle a incarné la femme émancipée des années 30 et à l’âge d’or des films sentimentaux, elle a apporté de l’esprit à un genre larmoyant. Bette Davis est un monstre de contradictions : égocentrique sans vanité, extravagante et sévère à la fois. A l’écran, chacun de ses actes est décidé, réfléchi mais sa vie est pleine d’ambivalence. Elle a un caractère paradoxal : elle a soif de rencontres mais privilégie sa carrière. Elle désire des hommes forts, autoritaires mais se rebelle contre eux bec et ongles. Elle veut un mari qui la domine, pourtant elle ne peut respecter trois de ses quatre maris…
Enfance et débuts au théâtre
Bette naît Ruth Elisabeth Davis le 5 avril 1908 à Lowell (Massachusetts). Son père, Edward Harlow Davis, est un homme froid et indifférent. Quand Bette a sept ans, Edward se sépare de sa mère, Ruth. Plus tard, ils divorceront, événement scandaleux pour l’époque et qui contribuera à la méfiance de Bette envers les hommes. Sa sœur cadette, Bobby, est perturbée et instable ; Bette s’occupera d’elle tout au long de sa vie. La mère de la future actrice travaille comme photographe pour payer les études de ses filles.
Obstinée et dominatrice, Bette recherche l’attention. C’est avec la danse qu’elle découvre les projecteurs. Elle voit une pièce à Boston avec une actrice qui s’appelait Peg Entwhistle qui lui ressemble tellement… Cependant, c’est la mère de Bette qui veille à ce que sa fille entre à l’école de théâtre et suive une formation pour devenir actrice.
En 1928, la jeune femme fait ses débuts dans une troupe dirigée par George Cukor dont elle est renvoyée deux mois plus tard. Qu’importe, elle joue à Broadway l’année suivante dans Broken Dishes.
Des débuts timides au cinéma
En 1930, elle est remarquée par les studios Universal qui lui offre un contrat de 300 dollars par semaine. Elle redoute de passer du théâtre au cinéma mais elle sent que c’est le média de l’avenir et qu’il faut qu’elle essaye. Elle ne croit pas qu’elle deviendra une vedette, se rendant compte du contraste entre elle et les femmes sublimes qui jouent dans les films muets. Au théâtre, le physique n’avait pas d’importance mais elle sait qu’il en est autrement pour le cinéma.
A 22 ans, elle tourne son premier film The Bad Sister (1931). Les gens du studio l’appellent avec mépris "le petit roitelet". Après cinq films négligeables, son contrat n’est pas renouvelé. George Arliss, ancien professeur de Bette et star de la Warner, lui offre tout de même une seconde chance. Il la réclame à ses côtés dans The Man Who Played God (L’homme qui jouait Dieu, 1932). La nouvelle recrue ne chôme pas : Bette tourne neuf films en treize mois et bien qu’elle soit débordée, elle garde son sens de l’humour.
Jack Warner est passé maître dans les productions en série. Le studio qu’il dirige avec ses frères trouve son rythme avec des films de gangster. Difficile pour une jeune actrice de s’y faire un nom. Bette et Jack auront des rapports houleux tout au long de leur collaboration, elle sera franche et dira toujours ce qu’elle pense mais il la respectera.
Une gloire naissante
Ce
n’est qu’après que Bette ait tourné
Of Human Bondage (L’Emprise, 1934) pour la RKO que Warner se rend
compte de son potentiel. Elle a obtenu ce rôle parce qu’à
l’époque aucune actrice connue n’en voulait, c’était le premier
vrai rôle de garce à l’écran. Jack Warner dira : "
Ils lui ont enfin trouvé un registre !"
Son image de dure est renforcée
dans Dangerous (L’Intruse, 1935).
Le film lui vaut son premier Oscar qu’elle considère comme un prix
de consolation pour Oh Human Bondage.
En 1932, alors qu’elle tourne
Cabin in the Cotton (Ombres vers le Sud), Bette épouse
son premier mari, son amour d’enfance Ham Nelson. Ham est un musicien modeste,
lui et Bette sont mal assortis. Plus il devient soumis, plus elle l’humilie…


Malgré l’Oscar, la Warner
la cantonne à des films mineurs. Son contrat l’oblige à accepter
n’importe quel rôle. Le studio a le loisir de la renvoyer tous les
six mois, mais elle n’a pas le droit de démissionner. Bette se bat
sans cesse pour des questions d’argent et pour des rôles de qualité.
Indigné par ses exigences, le studio la suspend. Laissant tomber
la Warner, Bette part à Londres tourner pour une autre compagnie.
Le studio lui fait un procès, elle perd et doit rentrer acquitter
ses obligations.
Bette a perdu mais la Warner a saisi le message et sous l’influence du producteur Hal Wallis, elle achète des scénarii forts pour la star montante : The Petrified Forest (La Forêt Pétrifiée, 1936) ou The Man who came to Dinner (L’invité de Madame, 1942). Bette lui en sera éternellement reconnaissante.
Une période prospère
Depuis
le lancement du projet de Gone with the wind (Autant en emporte le vent, 1939), la Warner désire rivaliser
avec sa propre épopée sudiste. Elle acquière Jezebel
(l’Insoumise, 1938) avec Bette dans le rôle principal et engage
le perfectionniste William Wyler à la réalisation. Commence
alors la meilleure période de la carrière de Bette. Elle
trouve son égal en celui qu’on surnomme "Wyler-40-prises". Elle abandonne son maniérisme et apprend la valeur
du silence et de la simplicité. Il y a tant de lavettes parmi
les réalisateurs, disait-elle, aucun d’eux ne m’a sécurisée
comme l’a fait ce tyran ! Sur le tournage de Jezebel,
ils deviennent amants.
Dans Jezebel, Bette scandalise la ville et son amant Henry Fonda en portant une robe rouge au lieu d’une blanche au bal annuel. Dans l’espoir de le regagner, elle implore son pardon… Pendant le tournage, Henry Fonda allait être père donc les scènes avec lui furent bouclées aussi vite que possible. Bette dut donc jouer seule pour les gros plans, regardant dans le vide tout en prenant un air inspiré.


En
1939, à l’âge de 30 ans, Bette remporte son second Oscar avec
Jezebel. La même
année, son mariage avec Ham se termine par un âpre divorce.
Elle travaille de nouveau avec Wyler deux ans plus tard dans
The Letter (La lettre, 1940) de Somerset Maugham ; elle est prodigieuse
en femme mariée qui assassine son amant.
Dès le tournage de The Little Foxes (La Vipère, 1941), leur troisième collaboration, Wyler et Davis sont à couteaux tirés mais Wyler restera un de ses éternels admirateurs. Bette le reconnaîtra toujours comme son réalisateur culte…
Son rôle dans Dark Victory (Victoire sur la nuit, 1939) reste le préféré de Bette. Bette a mis trois ans à convaincre Jack Warner de la laisser jouer.
Après cinq films ensemble, Bette fréquente George Brent, le séducteur le plus occupé d’Hollywood. Ils ne se marient toutefois pas, elle avait toujours dit qu’elle n’épouserait pas un acteur.
Sur
The Sisters (Nuit de bal, 1938),
elle a une liaison avec le réalisateur Anatole Litvak, le mari de
l’actrice Miriam Hopkins. Dans le film suivant
The Old Maid (La vieille fille), Bette joue aux côtés
de Miriam et la fiction rejoint la réalité. Bette dira plus
tard que Miriam était extrêmement jalouse mais Miriam a de
bonnes raisons de l’être. Elle sait que son mari la trompe et Bette
a eu un Oscar pour un rôle qu’elle avait elle-même tenu. Quand
les deux femmes se retrouvent pour Old Acquaintance (L’impossible Amour, 1943), leur animosité peut être
mise à profit...
Ne craignant pas d’être vieillie, Bette incarne à 30 ans une reine Elisabeth sexagénaire dans The Private lives of Elizabeth and Essex (La vie privée d’Elisabeth d’Angleterre, 1939). Elle réclame Laurence Olivier mais obtient Errol Flynn. Elle déteste le réalisateur, le tyrannique Michael Curtiz mais affectionne sa partenaire, Olivia de Havilland, qui sera une des rares amies qu’elle compte hors de sa famille.
En 1940, Bette rencontre son deuxième mari, Arthur Farnsworth, un homme sujet à l’alcoolisme.


A l’époque de Now, Voyager (Une femme cherche son destin, 1942) et de sa cinquième nomination aux Oscars, Bette est la reine incontestée de la Warner. Elle impose ses réalisateurs et les mène à la baguette. Elle choisit Irving Rapper, son ancien répétiteur et lui rend la vie infernale en dirigeant le plateau. Le résultat est un classique du film sentimental, un soap hollywoodien dans toute sa splendeur.

Guerre et productions personnelles
S’engageant dans l’effort de guerre en 1942, Bette et John Garfield fondent le Hollywood Canteen et enrôlent les gens de cinéma pour divertir les troupes. Bette chante même pour la cause.
Un an plus tard, son mari Arthur Farnsworth fait une chute mortelle dans une rue de Los Angeles. Bette se consacre plus encore à la Canteen où elle rencontre Lewis Riley qu’elle suit à Fort Benning à la stupéfaction d’Hollywood. Mais Riley part à l’étranger et peu après, à Laguna Beach, elle rencontre le marin William Grant Sherry, culturiste et artiste amateur. Cinq semaines après, elle l’épouse sur une impulsion. Mais elle découvre vite que Sherry est enclin à des crises de violence. Elle avait malmené des gens à l’écran mais elle ne s’attendait pas à l’être elle-même...
En 1947, à 39 ans, elle donne naissance à une fille Barbara Davis Sherry, dite B.D. Bette dira plus tard que sa vie sans enfant aurait été une histoire triste et désolante. Mais craignant pour la sécurité de sa fille, elle demande le divorce. Une fois de plus, elle n’avait pas épousé le bon.
Après
avoir bataillé avec la Warner pour des projets de qualité,
on l’autorise enfin à produire ses propres films. Un contrat de
cinq ans, assorti de 115 000 dollars par film, l’engage à tourner
quatorze films, dont cinq qu’elle peut produire pour sa propre compagnie
mais Bette ne profite pas de l’occasion. Elle ne produit qu’un seul film,
le mélodrame A Stolen Life
(La Voleuse, 1946) et dissout sa compagnie quelques années plus tard pour
retourner auprès de Warner se plaindre de ses rôles…
Après la guerre, le goût du public a changé. Bette connaît trois échecs successifs. L’heure n’est plus au modèle de la femme indépendante. Beyond the Forest (La Garce, 1949) dirigé par King Vidor est son dernier film pour la Warner. Trop âgée dans le rôle de la femme fatale adultère, elle frise l’auto parodie. En 1949, Bette demande à être libérée de son contrat. Jack Warner calcule froidement son poids au box-office et la laisse partir sans discuter. Elle aura passé deux décennies à arpenter les escaliers du studio…
Années 50 et 60
Un
an après son départ, All about
Eve (Eve, 1950) signera sa revanche artistique. Ce sera le film
le plus nominé de l’histoire d’Hollywood avec quatorze nominations
et six Oscars. Bien que le rôle de Margo Channing n’ait pas été
écrit pour Bette, il est lié à jamais à sa
légende. Mankiewicz l’avait écrit pour Claudette Colbert
mais cette dernière s’est blessée au dos et ne peut pas tourner.
Dans All about Eve, Bette
côtoie l’acteur Gary Merrill.
Espérant que ce mariage
durerait, elle fait de Merrill son quatrième mari. Revenant à
leurs racines yankees, ils s’installent dans le Maine. Ils adoptent deux
enfants, Margo et Michael mais la petite Margo souffre d’une lésion
cérébrale et doit être placée en institution.
Malgré tout, Bette ne l’abandonnera jamais et chaque vacances seront
passées ensemble.
Son mariage chaotique avec Merrill finit en divorce dix ans plus tard. Dans les années 50, les premiers rôles laissent place à des rôles secondaires et Bette fait même de la publicité. Avide de travail, Bette choque la profession en passant une annonce dans Variety. En 1961, elle tourne à nouveau pour la Warner et triomphe dans What Ever Happened to Baby Jane (Qu’est-il arrivé à Baby Jane ?, 1962) Sa rivalité avec Joan Crawford est largement exploitée mais elle n’est pas infondée. Elles avaient été des rivales implacables chez la Warner et Bette accuse Crawford d’être jalouse d’elle et d’avoir tout fait pour qu’elle ne reçoive pas un troisième Oscar.
Une carrière qui ne cessera jamais. . .
Quels que soient les honneurs
et le succès, rien n’a su venir à bout de sa combativité.
Qu’il s’agisse de chefs-d’œuvre ou de navets, elle s’implique dans ses
rôles comme si sa vie en dépendait. Et c’est peut-être
le cas… Même âgée de 70 ans, au lieu de se retirer dans
sa loge, elle reste sur le plateau avec les techniciens à savourer
l’ambiance de son lieu de travail, son vrai foyer. Elle n’envisage jamais
la retraite. L’orgueilleuse Yankee ignore le repos, la diva ne peut quitter
le feu des projecteurs…
En 1977, c’est la première femme récompensée pour l’ensemble de sa carrière. Elle revient vivre à Los Angeles, emménage à La Maison Coloniale et joue dans Hôtel, une série télévisée. Suivent trois longs métrages et huit téléfilms.
A
75 ans, elle tombe gravement malade en faisant une attaque cérébrale.
Kathryn Sermark, son assistante et confidente, l’aide à faire front
et lui redonne l’envie de vivre. Ensemble, elles publient un livre sur
sa guérison. Au même moment, sa fille B.D prépare aussi
un livre. Bette découvre avec horreur que dans ce livre sa fille
l’accable, chose qu’elle n’accepte pas, c’est un choc. Elle dit qu’elle
a perdu sa fille. Elles ne se parleront plus jamais.
Fragile mais infatigable, Bette
tourne encore trois films. En 1987, aux côtés de la légende
du muet Lillian Gish, elle tourne The Whales
of August (Les Baleines du Mois d’Août). En 1989,
elle reçoit un prix au festival de San Sebastian et tombe malade.
Elle meurt à Paris le 6 octobre 1989. Elle a 81 ans. Sur sa tombe
est écrit :"She did it the hard way" (Elle
a vécu sans concessions).
L’expérience m’a enseigné, écrivait Bette, que les rapports humains ne sont pas durablement gratifiants. Seul le travail apporte une véritable satisfaction. Elle a travaillé jusqu’à la fin et n’a jamais abandonné son meilleur rôle : celui de sa vie…