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Titre original : The Grapes of Wrath Sortie US : 1940 Durée : 128 min (2 h 08) Langue : Anglais Twentieth Century-Fox Film Corporation Noir et blanc
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Le CastingHenry Fonda ... Tom Joad Jane Darwell ... Ma Joad John Carradine ... Casy Charley Grapewin ... Grand-père Joad Dorris Bowdon ... Rose-of-Sharon Rivers Russell Simpson ... Pa Joad O.Z. Whitehead ... Al Joad John Qualen ... Muley Graves Eddie Quillan ... Connie Rivers Zeffie Tilbury ... Grand-mère Joad Frank Sully ... Noah Joad Frank Darien ... Oncle John Joad Darryl Hickman ... Winfield Joad Shirley Mills ... Ruthie Joad ... |
Equipe du filmD'après le roman de John Steinbeck Réalisateur : John Ford Scénariste : Nunnally Johnson Producteurs : Darryl F. Zanuck et Nunnally Johnson Musique : Alfred Newman Image : Gregg Toland Montage : Robert L. Simpson Direction Artistique : Richard Day et Mark-Lee Kirk Décors : Thomas Little Costume : Gwen Wakeling Son : Roger Heman Sr. et George Leverett Directeur technique : Tom Collins |
Oklahoma, lors de la Grande Dépression américaine des années 30. Après quatre années d'incarcération dans un pénitencier pour homicide, Tom Joad se met en route pour retrouver sa famille. Il rencontre en chemin Casy, un ancien pasteur, qui va continuer la route avec lui. Ensemble, ils retrouvent la ferme familiale des Joad en très mauvais état et vidée de ses occupants. Muley Graves, un ancien voisin, leur confit alors que les Joad sont partis chez l'Oncle John et que tous ceux qui habitent dans les environs, des métayers, ont également déserté ; les banques s'étant appropriées les terres des paysans endettés. Lui seul a décidé de rester et reste encore tandis que Tom, accompagné de Casy, rejoint le reste de sa famille chez son oncle mais bien vite, tous doivent partir, chassés par les banquiers. Désespérés et sans abri, ils prennent alors la route de la Californie, Terre réputée prospère, en quête d'un travail qui leur permettera de retrouver une vie normale et stable. Embarqués dans leur Jalopy, le périple est long, les états se succèdent (le Texas, le Nouveau Mexique, l'Arizona...). Le voyage marque également la disparition du grand-père puis de la grand-mère de Tom. Malheureusement, parvenant enfin en Californie, les Joad, qui s'attendaient au paradis, se retrouvent confronter à l'enfer. A peine arrivés, ils sont exploités par des propriétaires terriens, ils travaillent dur mais ont à peine de quoi manger. Il faut se battre pour survivre et tenter d'y croire encore... Un soir, entendant du bruit, Tom, qui n'a pourtant pas le droit de sortir du camp, va voir ce qui se trame au dehors. Ce sont des grévistes syndicalistes se révoltant contre le système, Casy en fait parti. Tandis que Tom veut rejoindre le camp, les choses tournent mal, une bagarre éclate, Casy est tué par la police et Tom devient un fugitif recherché. Les Joad sont contraints de s'enfuir et se retrouvent dans un camp tenu par le gouvernement où les conditions de vies sont nettement plus acceptables. Toutefois, Tom, toujours traqué pour le soit-disant meurtre de Casy, quitte, sa famille et le camp, non sans avoir échangé quelques dernières paroles avec sa mère, Ma : il veut devenir l'un des chefs du mouvement social qui est en train d'agiter l'Amérique...
Deux Oscars en 1941 :
- Oscar du meilleur second rôle féminin pour Jane Darwell
- Oscar du meilleur réalisateur pour John Ford
+ Cinq autres nominations aux Oscars :
- Nomination de meilleur acteur pour Henry Fonda
- Nomination du meilleur montage pour Robert L. Simpson
- Nomination du meilleur film pour Darryl F. Zanuck et Nunnally Johnson
- Nomination du meilleur son pour Edmund H. Hansen
- Nomination du meilleur scénario pour Nunnally Johnson
- Prix du meilleur film décerné par le National Board of Review en 1940
- Prix du meilleur film décerné par le New York Film Critics Circle en 1940
- Prix du meilleur réalisateur pour John Ford décerné par le New York Film Critics Circle
en 1940
- Prix du meilleur film étranger décerné par le Blue Ribbon en 1963
- Le roman de John Steinbeck qui a inspiré le film a été publié en 1939 et a remporté le prix Pullitzer en 1940.
- En 2006, le film a été classé par l'American Film Institute (AFI) comme le septième film le plus inspiré de l'histoire du cinéma américain.
- Le budget du film s'élevait à 750 000 $.
- Le film fut tourné en sept semaines.
- John Ford a interdit maquillage et parfum sur le tournage, ceci n'étant pas en accord avec la tonalité du film.
- Beulah Bondi passa une audition pour le rôle de Ma Joad. Bondi, croyant qu'elle était prise, a acheté une Jalopy et s'est rendue à Bakersfield pour vivre parmi les travailleurs migrants afin d'étudier pour le rôle.
- Noah Joad disparaît simplement après la scène de la natation de famille dans le fleuve du Colorado. Dans le livre, Noah dit à Tom qu'il a décidé de rester de l'autre côté du fleuve. Dans le film, sa disparition n'est jamais expliquée.
- La fin originale du roman était trop controversée pour apparaître dans un film en 1940. Dans le livre, Rose-de-Sharon donne naissance à un bébé mort-né et puis offre son lait maternel à un homme affamé mourant dans une grange.
- Pour que le film soit conforme au Code de Production, un certain nombre de censures ont été opérées. La liste des changements ou des éliminations suggérés inclut un avertissement "pour ne pas caractériser Muley comme un aliéné", la reformulation d' "un certain nombre de lignes qui font référence à la grossesse de Rosasharn" et l'élimination "de la mention spécifique de Comté de Tulare [la Californie]".
- Exceptionnellement pour John Ford, il a permis à Darryl F. Zanuck de superviser la réalisation. En effet, Zanuck est l'un des seuls producteurs à avoir tirer des éloges du réalisateur normalement plutôt critique.
- Darryl F. Zanuck a payé 100 000 $ les droits du roman de John Steinbeck. Steinbeck a permis que les droits soient vendus mais avec une clause spéciale au contrat pour que le projet soit traité de façon responsable.
- Avant le tournage, le producteur Darryl F. Zanuck a envoyé des investigateurs aux camps de migrants pour voir si John Steinbeck avait exagéré au sujet de la misère noire et du traitement injuste s'exerçant en ces lieux. Il a été horrifié de découvrir que Steinbeck était encore en dessous de la vérité.
- Pendant qu'il filme la voiture des Joad sur la route de la Californie, John Ford était à la recherche d'une certaine authenticité ; ainsi il a arrêté et payé des conducteurs cinq dollars pour escorter la Jalopy des Joad devant les caméras.
- Darryl F. Zanuck a su que Henry Fonda était très intéressé par le rôle de Tom Joad. En vérité, le producteur se sert de ce rôle en or pour appâter l'acteur et lui faire signer un contrat qu'il refusait jusqu'alors. Lorsque Zanuck annonce à la presse qu'il songe à Tyrone Power ou à Don Ameche, Fonda, contraint et forcé, finit par lui céder en acceptant un contrat de sept ans avec la 20th Century-Fox. L'acteur se méfiait de Zanuck et n'aimait pas être sous contrat, mais c'était le prix à payer pour obtenir le rôle de sa vie.
- John Steinbeck a aimé le film et a dit que Henry Fonda en tant que Tom Joad l'incitait "à croire mes propres mots".
- Les banques et les grandes sociétés cultivatrices (pour la plupart des fermes de Californie) étaient contre le roman original (celui-ci a été interdit dans certains états, dans plusieurs comtés en Californie, et à la bibliothèque municipale de la ville natale de John Steinbeck) et bien entendu contre les films. Les fermiers de Californie ont, quant à eux, appelé au boycott de tous les films de la 20th Century-Fox et Steinbeck lui-même a reçu des menaces de mort.
- La position de pro-syndicalisation du film a mené John Steinbeck et John Ford à être surveillé pendant l'ère de McCarthy ; ils étaient considérés comme étant des communistes.
- Le film a connu une brève exploitation en URSS. Le pouvoir communiste en place autorise en effet sa projection, trouvant dans cette histoire qui se déroule durant la crise de 1929, l'occasion de fustiger le capitalisme. La réaction du public russe ne fut toutefois pas celle escomptée, puisqu'il s'émerveilla que, même au plus profond de la misère, les personnages possèdent encore une voiture. La censure le retira donc aussitôt des écrans.
- Les Non-Américains ont vu le film avec un prologue qui expliquait les effets de la dépression et du "Dust Bowl" en Oklahoma. Le Dust Bowl est le nom donné à une série de tempêtes de poussière, véritable catastrophe écologique qui toucha, pendant près d'une dizaine d'années, la région des grandes plaines aux états-Unis et au Canada dans les années 30.
- Pour ne pas avoir de problèmes vis-à-vis du roman controversé, la production avait décidé d'appeler le film "Highway 66".
- Bruce Springsteen s'est inspiré du film pour écrire un album : "The ghost of Tom Joad".
Tom Joad : Takes no nerve to do something, ain't nothin' else you can do.
Tom Joad : Sure don't look none too prosperous.
Grandpa Joad : It's my dirt ! Eh-heh ! No good, but it's - it's mine, all mine.
Tom Joad : Seems like the government's got more interest in a dead man than a live one.
Casy : I wouldn't pray just for a old man that's dead, 'cause he's all right. If I was to pray, I'd pray for folks that's alive and don't know which way to turn.
Ma Joad : There, gramma ! There's California.
Grandma Joad : Phbbtt !
Pompiste : You and me got sense. Them Okies got no sense and no feeling. They ain't human. Human being wouldn't live the way they do. Human being couldn't stand to be so miserable.
Tom Joad : If there was a law, they was workin' with maybe we could take it, but it ain't the law. They're workin' away our spirits, tryin' to make us cringe and crawl, takin' away our decency.
Casy : Tom, you gotta learn like I'm learnin'. I don't know it right yet myself. That's why I can't ever be a preacher again. Preachers gotta know. I don't know. I gotta ask.
Tom Joad : That Casy. He might have been a preacher but he seen things clear. He was like a lantern. He helped me to see things clear.
Tom Joad : I been thinking about us, too, about our people living like pigs and good rich land layin' fallow. Or maybe one guy with a million acres and a hundred thousand farmers starvin'. And I been wonderin' if all our folks got together and yelled...
Ma Joad : Oh, Tommy, they'd drag you out and cut you down just like they done to Casy.
Tom Joad : They'd drag me anyways. Sooner or later they'd get me for one thing if not for another. Until then...
Ma Joad : Tommy, you're not aimin' to kill nobody.
Tom Joad : No, Ma, not that. That ain't it. It's just, well as long as I'm an outlaw anyways... maybe I can do somethin'... maybe I can just find out somethin', just scrounge around and maybe find out what it is that's wrong and see if they ain't somethin' that can be done about it. I ain't thought it out all clear, Ma. I can't. I don't know enough.
Ma Joad : How am I gonna know about ya, Tommy ? Why they could kill ya and I'd never know. They could hurt ya. How am I gonna know ?
Tom Joad : Well, maybe it's like Casy says. A fellow ain't got a soul of his own, just little piece of a big soul, the one big soul that belongs to everybody, then...
Ma Joad : Then what, Tom ?
Tom Joad : Then it don't matter. I'll be all around in the dark - I'll be everywhere. Wherever you can look - wherever there's a fight, so hungry people can eat, I'll be there. Wherever there's a cop beatin' up a guy, I'll be there. I'll be in the way guys yell when they're mad. I'll be in the way kids laugh when they're hungry and they know supper's ready, and when the people are eatin' the stuff they raise and livin' in the houses they build - I'll be there, too.
Ma Joad : I don't understand it, Tom.
Tom Joad : Me, neither, Ma, but - just somethin' I been thinkin' about.
Casy : Maybe there ain't no sin and there ain't no virtue, they's just what people dœs. Some things folks do is nice and some ain't so nice, and that's all any man's got a right to say.
Ma Joad : Well, Pa, a woman can change better'n a man. A man lives sorta - well, in jerks. Baby's born or somebody dies, and that's a jerk. He gets a farm or loses it, and that's a jerk. With a woman, it's all in one flow, like a stream - little eddies and waterfalls - but the river, it gœs right on. Woman looks at it thata way.
Grandpa Joad : I smell spare ribs. Somebody's been eatin' spare ribs. How come I ain't got none ?
[Ultime réplique]
Ma Joad : Rich fellas come up an' they die, an' their kids ain't no good an' they die out. But we keep a'comin'. We're the people that live. They can't wipe us out; they can't lick us. We'll go on forever, Pa, 'cause we're the people.
[La famille Joad quitte la ferme pour se rendre en Californie]
Al Joad : Ain't you gonna look back, Ma ? Give the ol' place a last look ?
Ma Joad : We're going' to California, ain't we ? All right then let's go to California.
Al Joad : That don't sound like you, Ma. You never was like that before.
Ma Joad : I never had my house pushed over before. Never had my family stuck out on the road. Never had to lose everything I had in life.
Muley Graves : There ain't nobody gonna push me of my land ! My grandpa took up this land 70 years ago, my pa was born here, we were all born on it. And some of of us was killed on it ! ... and some of us died on it. That's what make it our'n, bein' born on it,... and workin' on it,... and and dying' on it ! And not no piece of paper with the writin' on it !
Adaptation fidèle et sincère quoique légèrement édulcoré du roman homonyme de John Steinbeck, "The Grapes of Wrath", film de 1940, expose les effets de la Grande Dépression américaine des années 30 sur une partie de sa population. La Grande Dépression, c'est le chômage, la pauvreté et c'est ainsi que l'image "irréprochable" des Etats-Unis est fortement mise à mal, fragilisée, le système capitalisme également ; ce dernier apparaissant comme inhumain. Cependant, John Steinbeck comme John Ford, le réalisateur du film, n'a rien fait de plus qu'une description de la misère. On les accusa d'être communistes, incitant à la lutte des classes, pourtant, à mon sens, le film ne s'apparente pas à une propagande pro-rouges mais à la dénonciation des injustices sociales qui existaient aux Etats-Unis. Existaient ou existent, difficile de faire la part des choses : cette époque est certes totalement révolue mais l'une des idées maîtresses de cette œuvre n'est pas moins que la condition humaine... L'homme est exploité par son semblable et cette situation se retrouve malheureusement dans toutes les sociétés humaines confondues. Toutefois, le film n'est pas tout à fait noir du point de vue humain : l'espoir, donnée universelle, y est présent au travers de la famille Joad. Celle-ci est certaine qu'au bout du calvaire, la récompense sera là, une récompense somme toute désuète pour certains d'entre nous puisqu'elle ne consiste qu'en une agréable maison et une vie faite de choses simples.
Cependant, malgré l'espoir, la famille Joad est confrontée à son éclatement. Tout d'abord, par la mort du grand-père, puis de la grand-mère, la fuite de Connie et enfin le départ de Tom. Mais l'éclatement familial se manifeste aussi d'une autre manière : le conflit des générations. Plus les membres de la famille sont jeunes, moins le voyage ne parait être une contrainte. La Terre des ancêtres n'a pas la même symbolique pour Grandpa que Ruthie ou Wilfried.
Le dernier thème majeur de "The Grapes of Wrath" est la mécanisation. On assiste à la transformation de l'agriculture et par la même de tout le monde traditionnel. Bien que s'inscrivant dans la logique du progrès, la modernisation engendre des laissés pour compte. L'exclusion qui touche cette population conduit à un certain clivage de la société. En outre, les anciens paysans se voient expropriés de leur Terre, l'héritage de plusieurs générations, leur "patrie" est malmenée par ses grosses machines mécaniques.
Les personnages, composés essentiellement des membres de la famille Joad, sont le reflet de vrais Américains. Ils sont le peuple, le peuple qui se bat, le peuple qui représente la puissance mais aussi la pauvreté de leur vaste pays. Il faut compter avec tous ceux qui ne vivent pas le rêve américain mais qui n'en restent pas moins le poumon des Etats-Unis. Le pasteur, bien que déchu, insuffle au début du film une dimension religieuse à l'ensemble pour ensuite mettre en valeur une dimension sociale tandis que lui-même évolue en devenant leader syndical.
Pour présenter ses thématiques, rien n'est plus précieux que l'ingénieux travail de John Ford qui donne son esthétisme au film. Les éclairages crépusculaires, à la bougie ou par les phares des voitures, créent une atmosphère chaleureuse autour des personnages unis, disposés les uns près des autres. Les gros plans mettent en valeur leur détresse tandis que les plans plus larges subliment les paysages en noir et blanc.
L'interprétation, avec des acteurs aussi talentueux les uns que les autres, sert magnifiquement le roman original. Le charismatique Henry Fonda, dont le regard reflète sensibilité et sérénité, est une nouvelle fois l'incarnation du courage de l'homme prêt à risquer sa vie contre l'injustice, un homme qui n'est toutefois pas irrépréhensible puisqu'il a un passé carcéral. John Carradine joue tout en finesse le rôle de l'ancien pasteur tandis que Jane Darwell a tout de la femme nostalgique mais qui refuse de regarder en arrière, la déterminée Ma Joad.
En guise de conclusion, cette œuvre puissante, émouvante et par moment révoltante pousse à la réflexion chacun d'entre nous. Riches ou pauvres, quelles sont les vraies valeurs de la vie ? Quelle place avons-nous vis-à-vis de nos semblables ? Le progrès technique n'engendre-t-il pas un récession morale ? Ce grand film de réalité sociale avec une parabole sur le motif biblique de la Terre Promise de par ses références à l'Exode, ce chef d'œuvre d'humanisme, est tout simplement bouleversant.
Pour en savoir plus sur Henry Fonda, vous pouvez consulter sur ce même site : Henry Fonda