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Titre original : The Lady from Shanghai Sortie US : 1948 Durée : 87 min (1 h 27) Langue : Anglais Columbia Pictures Noir et blanc
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Le CastingRita Hayworth ... Elsa Bannister Orson Welles ... Michael O'Hara Everett Sloane ... Arthur Bannister Glenn Anders ... George Grisby Ted de Corsia ... Sidney Broome Erskine Sanford ... Juge Gus Schilling ... 'Goldie' Goldfish Carl Frank ... Dist. Atty. Galloway Louis Merrill ... Jake Evelyn Ellis ... Bessie (Bannister maid) Harry Shannon ... Cab driver |
Equipe du filmD'après un roman de Sherwood King "If I should die before I wake" Réalisateur : Orson Welles Scénaristes : Orson Welles et William Castle Producteur : Orson Welles Musique : Doris Fisher "Please, don't kiss me" Heninz Rœmheld Image : Charles Lawton Jr, Rudolph Maté et Joseph Walker Montage : Viola Lawrence Décors : Willbur Menefee et Herman Schœnbrun |
Le marin Michael O'Hara (Orson Welles) sauve d'une agression une femme blonde à la beauté troublante, Elsa (Rita Hayworth). Cette dernière l'invite à rejoindre le yacht de son richissime mari, un avocat renommé Arthur Bannister (Peter Sloane) pour une croisière traversant New York, Acapulco avant de revenir à San Francisco. Michael obsédé par le charme d'Elsa, accepte. Elsa et Michael tombent amoureux et cèdent à une folle passion, mais Bannister semble ignorer leur liaison. George Grisby (Glenn Anders), l'associé de ce dernier, les surprend et propose à Michael 5 000 dollars pour reconnaître qu'il est responsable de sa mort fictive afin de tirer profit d'une clause des assurances. Michael qui compte sur cette somme pour couler les jours heureux avec sa maitresse, accepte le deal. Ils mettent en scène la mort de Grisby... Mais Grisby est réellement tué par la suite et Michael qui avait signé une déclaration compromettante est aussitôt arrêté pour crime. Il est jugé, Bannister le défend à la cour d'assise mais l'accusé s'échappe avant le verdict, décidé à trouver le véritable assassin...
Une genèse complexe
La Dame de Shanghai est tiré du roman "If I should die before I wake". Mais l'origine exacte du projet est depuis longtemps entouré de nombreuses affabulations.
Les mémoires de William Castle, qui collabora au film, dévoila ce qui est généralement considéré aujourd'hui comme la véritable genèse de La Dame de Shanghai. Jugeant que le roman de Sherwood King contenait la matière d'un bon film, Castle aurait écrit un rapide traitement qu'il proposa au département scénario de la Columbia , mais il essuya un échec. Il le montra alors à Orson Welles, qui le présenta directement à Harry Cohn comme étant de sa propre initiative. Ce dernier accepta et delivra une somme juteuse à Welles...
Une postérité contrastée
La Dame de Shanghai connut un avenir contrasté. Si le film fut, à sa sortie, un échec sur le plan commercial, il est en revanche devenu depuis un des grands classiques du cinéma, notamment du fait de la célèbre scène finale "aux miroirs", maintes fois imitée voire parodiée.
Pour les besoins du film, Orson Welles modifia largement la coiffure de Rita Hayworth : celle-ci y porte pour la première fois des cheveux plus courts et en partie bouclés. Appréciant peu cette initiatitive unilatérale, alors que l'actrice était encore sous contrat avec la Columbia , Harry Cohn se serait exclamé : "Mon Dieu, regardez ce qu'a fait ce fou !". Il accentua ensuite son contrôle sur le film, effectuant un montage selon son désir au détriment des vœux d'Orson Welles.
Les Etapes de "la transformation de Rita Hayworth"
Un tournage tendu
Le tournage ne fut pas exempt de tensions. Orson Welles s'était engagé depuis longtemps à faire un film pour Harry Cohn, et La Dame de Shanghai était pour lui le moyen de régler cette dette. Rita Hayworth, de son côté, avait entamé une procédure de divorce contre Orson Welles (qu'elle avait épousé en 1943), mais elle accepta néanmoins le rôle d'Elsa Bannister, en guise de cadeau de divorce.
Une apparition non voulue
Le yacht sur lequel se déroule la majeure partie de l'action, le Zaca, appartenait en fait à Errol Flynn. Ce dernier, qui exigea d'ailleurs de diriger lui-même le navire pour les différentes étapes du voyage, peut du reste être aperçu en arrière-plan durant une scène.
Le titre
Le titre définitif du film, adopté en cours de tournage, n'est pas à prendre au pied de la lettre : il fait en réalité référence à la célèbre scène finale du film, qui se déroule... dans le quartier chinois de San Francisco.
Lieux de tournage
San Francisco : Steinhart Aquarium, Golden Gate Park. Golden Gate Bridge. Sacramento et Mason Streets. Palais de Justice. Portsmouth Square. Grant Avenue. Sunsing Theater. Playland at the Beach.
Sausalito : Marin County : Bateau du port de Sausalito derrière le Valhalla Bar and Cafe.
Mickael O'Hara : " When I start out to make a fool of myself, there's very little can stop me. If I'd known where it would end, I'd never let anything start. If I had been in my right mind that is. But once I'd seen her, once I'd seen her, I was not in my right mind for quite some time. "Good evening" says I, thinking myself a very gay dog indeed. But here was a beautiful girl all by herself and me with plenty of time, nothing to do but get myself in trouble. Some people can smell danger. Not me."
"And from that moment on I did not use my head very much except to be thinking of her."
"But in the park in those days the rough young fellas used to be staging hold-ups and the like. However these young fellas were not professionals. And that's maybe the reason why I start out in this story a little bit like a hero, which I most certainly am not."
"Personally I don't like a girlfriend to have a husband. If she'll fool her husband I figure she'll fool me."
"Naturally someone had to take Bannister home. I told myself I couldn't leave a helpless man lying unconscious in a saloon. Well it was me that was unconscious. And he was exactly as helpless as a sleeping rattlesnake."
"The Lady from Shanghai, c'est l'éclatement d'un monde. L'histoire suit des zigzags de cet éclatement. Le brio de cette réalisation, le plus paroxystique peut-êre de Welles, ne laisse pas le temps de chercher les replis obscurs de la motivation psychologique des héros. Mais c'est une autre obscurité qu'elle appelle à la lumière : par la décadence échevelée qui préside aux descriptions de la société capitaliste, comme par le parti pris de faire passer ses héros, lors d'un baiser en ombre chinoise sur un fond d'inquiétants monstres aquatiques, Orson Welles dénonce une sorte de fin du monde à travers cette poésie de l'horreur dont il semble avoir repris le secret aux Elisabethains."Roger Boussinot.
"Le personnage de Rita Hayworth est lui-même insaisissable dans tous ses reflets, un peu comme le Luna Park de San Francisco que Welles nous montre comme un lieu de disparitions soudaines, de poupées rieuses monstrueuses et de miroirs se répétant à l'infini. Le final du film, d'une virtuosité confondante, se déroule dans un palais des glaces où les personnages se tirent les uns sur les autres et semblent à causes des reflets tirer sur eux-mêmes. Rappelons que le yacht du film s'appelle « Circé » comme dans l'Odyssée. Welles est bien l'un des hommes de cette Odyssée moderne, qui s'évade miraculeusement, avant que le reste de l'équipage ne soit transformé en porcs."L'Encyclopédie du Cinéma.
La dame de Shanghai fait parti des incontournables d'Orson Welles. Le narrateur (Orson Welles) annonce la couleur dès le départ avec cette phrase "J'aurais dû écouter ma raison. Mais après l'avoir vue une fois, une seule fois, je n'ai longtemps plus été en mesure de penser rationnellement." En effet, dès que Michael O'Hara (Orson Welles) pauvre marin Irlandais, aperçoit l'envoûtante Elsa Bannister (Rita Hayworth), il tombe sous le charme et en même temps dans ses filets... En ce qui concerne l'histoire, dès le départ le personnage d'Elsa est bordé de mystère, on ne sait pas trop ce qu'elle fait seule dans la calèche en pleine nuit, au beau milieu de Central Park. Welles la présente comme une tentatrice fatale, il fait jouer les couleurs... Elle apparaît dans la nuit noire, resplendissante, vêtue de blanc, on ne voit qu'elle... Tout y est, regards, sourires, beauté perfide et captivante. Rapidement, Michael n'est pas en mesure de résister aux provocations d'Elsa et lorsqu'elle lui propose de la suivre dans le yacht de son mari, Arthur Bannister (Peter Sloane), il accepte juste pour la revoir.
Tout au long du film Michael est obsédé par le charme d'Elsa, obsession accentuée par l'omni présence de sa beauté, tantôt en robe du soir, tantôt à demi nue ou courant à travers le quartier chinois de San Francisco, où elle s'aventure même à parler chinois... Mais sans le savoir il va être embarqué dans une histoire de meurtre. Leur passion commence sur le yacht, mais est rapidement surprise pas Grisby, l'associé de Bannister. Le personnage est alambiqué, confus, à la limite de la névrose... Il imagine et divague sur une éventuelle apocalypse atomique. Il propose de l'argent à Michael pour simuler son meurtre et tient à disparaître des grandes villes, « menacées » par cette soi-disant future apocalypse. Michael rédige une déclaration certifiant avoir tuer Grisby... Il espère que cet argent lui permettra de partir avec Elsa et de vivre heureux.
Mais hélas, le quiproquo tourne mal et Grisby est réellement assassiné. Evidemment Michael est arrêté et jugé. Il est défendu par Bannister, mais s'enfuit avant la fin du verdict, obsédé par l'idée de chercher le véritable assassin. Même si l'intrigue en elle-même est plutôt compliquée, Welles sait la rendre belle et poétique en partie grace à cette atmostphère troublante qui plane du début à la fin. L'héroine sourit peu (rare chez Rita Hayworth), son personnage est intouchable, relevé d'une absolue beauté la rendant encore plus innaccessible. Il semblerait que Welles ait voulu casser l'image de pin-up de son épouse mais aussi révéler une partie de sa biographie à travers la Dame de Shanghai. Il aurait montré l'échec de ne pas avoir su l'aider comme il lui avait promis... Dans l'histoire Michael sauve Elsa, comme Orson a sauvé Rita, Elsa est mariée avec un mari plus âgé qui la menace et enfin la scène finale, où il abandonne Elsa à la mort, signerait la fin de leur mariage.Au niveau des plans et prouesses techniques, Welles filme le désir entre Michael et Elsa, le malaise (gros plans sur les visages masculins dégoulinant de sueurs) et enfin le malheur sur la scène finale, (plans rapprochés sur les visages des époux qui s'entretuent). J'ai particulièrement aimé les plans sur le visage d'Elsa, l'expression mystérieuse qu'elle adopte et le regard qu'elle a, lorsque Michael découvre qui elle est vraiment. J'ai aimé les profils découpés dans l'ombre, avec les aquariums en arrière plan, scène se terminant par un baiser. Mais la célèbre séquence des miroirs, les reflets à l'infini, plus encore lorsque les miroirs se brisent et que les reflets se multiplient grâce aux débris de verres, est une des meilleures du film. Cette scène tout comme beaucoup de plans filmés par Welles dans ses films, symboliserait en fait l'image qu'il a de lui même, celle d'un être en proie à une constante lutte intérieure. Le film se termine par la mort d'Elsa, qui supplie Michael de ne pas la laisser mourir, alors qu'il la regarde froidement et la laisse sur cette phrase "J'ai toujours oublié ce qu'il me déplaisait avoir appris". Ce film signe le divorce de Welles, à la presse, il dira de Rita Hayworth "Peut-être vivrais-je si longtemps que je finirai par l'oublier".
Pour conclure, Rita Hayworth dira plus tard que la Dame de Shanghai a été un de ses meilleurs films, je l'approuve, le personnage d'Elsa est très différent de ses rôles habituels et encore plus captivant. On peut dire que Welles a su faire d'une histoire médiocre un véritable chef d'œuvre, qui figure aujourd'hui dans le best-of des films noirs.
Pour en savoir plus sur Orson Welles, vous pouvez consulter sur ce même site sa biographie : Orson Welles
Pour en savoir plus sur Rita Hayworth, vous pouvez consulter un site lui étant entièrement dédié : Rita Hayworth