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Né le 6 mai 1915 à Kenosha, dans le Wisconsin, Orson Welles a pour
parents un inventeur farfelu et une pianiste réputée. Après la mort
de sa mère en 1923, il accompagne son père dans des voyages lointains.
Revenu dans son pays, il s'adonne dans le cadre scolaire à sa passion
pour le théâtre.
Fort
de son succès dans Jules César et avec la bénédiction du docteur Bernstein,
qui devient son tuteur à la mort de son père, le jeune Orson part
à la conquête d'une des scènes les plus prestigieuses d'Europe, le
Gate Théâtre de Dublin. Les deux directeurs, impressionnés par
son talent et son aplomb lui confient le rôle du duc Karl Alexandre
dans le Juif Suss de Feutchwanger. D'autres interprétations
suivront, saluées par la critique. Après un séjour en Espagne et au
Maroc consacré à la peinture, Welles aura la désagréable surprise
de se voir refuser à Londres un permis de travail et de constater
qu'en Amérique, Broadway n'a pas eu vent de ses succès d'Outre Atlantique.
C'est la Tood School
qui lui confiera un enseignement théâtral. Il sera accueilli par la
célèbre comédienne Katharine Cornell, qui s'apprête
à faire une tournée triomphale dans plusieurs états. Welles rêve alors
de mise en scène. Associé à John Houseman, il va donner au Fédéral
Théâtre, subventionné par l'état toute son énergie et son audace.
Harlem se souviendra longtemps de son superbe Macbeth joué
uniquement par des acteurs noirs et dont l'action est transposée en
Haïti. Quand le Fédéral Théâtre cède la place au Mercury
Théâtre, une entreprise indépendante, Welles est en mesure de
financer l'aventure par les cachets que lui procurent ses émissions
de radio à la CBS. Avec sa voix grave et musicale, Welles a tout de
suite conquis les ondes. Il en fera la singulière expérience en 1938.
En ce soir d'Halloween, Welles a décidé d'adapter War of the Worlds (La Guerre
des Mondes) de son homonymes HG. Wells en imaginant un bal retransmis
en direct et interrompu par des flashs d'information. Au fil des commentaires
"l'énorme objet lumineux" tombé dans le New Jersey deviendra l'évènement
du siècle. L'invasion des Martiens. Le ton est si convaincant, le
canular si bien monté que le public finit par céder à une gigantesque
panique, donnant lieu à des scènes apocalyptiques, dont les journaux
feront leur une le lendemain. De cette prestation qui a frôlé le désastre,
Welles ressortira juridiquement indemne et définitivement célèbre.
Il n'est dès lors pas étonnant qu'Hollywood s'intéresse à celui qui
allie l'innocence de l'enfant et la puissance du démiurge ; L'une
des plus prestigieuses Major companies, la RKO, lui propose par l'intermédiaire
de George J Shaefer, un contrat fabuleux qui lui accorde - ce qui ne
s'est jamais vu - les pleins pouvoirs : Il y est réalisateur, producteur,
auteur et acteur.
Loin de songer à une carrière Orson Welles voit
là une occasion inespérée de financer ses créations théâtrales. Son
séjour à Los Angeles sera néanmoins profitable. Précédé par sa légende,
le Wonder Boy, y mène grand train, rend visite à l'exquise Shirley
Temple et s'émerveille devant les studios qui s'ouvrent à lui. En
matière cinématographique, Welles n'a pas grande expérience. En juillet
1934, il a réalisé un court métrage muet de cinq minutes. Il interprétait
le rôle principal auprès de sa première épouse, Virginia Nicholson,
qui lui donnera une fille, Christopher.
Après Too
Much Johnson (1938), tiré de la pièce de William Gillette,
Welles travaille avec John Housemansur une adaptation de Heart
of Darkness de Joseph Conrad, dont il a donné une version radiophonique
pour le Mercury Theatre of the Air. La production lancée
en 1937, sera abandonnée en partie pour des raisons financières, en
partie parce-que l'actrice pressentie pour le rôle féminin, Dita Parlo
est incarcérée en France comme ressortissante Autrichienne.
Le
rapport complexe entre les images et le son qu'introduisait dans Heart
of Darkness l'utilisation de la "caméra subjective" est posé d'emblée
dans Citizen Kane (Citoyen Kane, 1941).
"Le secret de mon travail, c'est que tout est fondé sur la parole"
dira Welles. Dans ce film chef d'œuvre, Welles y est omniprésent :
acteur, il subit à travers le personnage de Kane toutes les métamorphoses
de l'âge : réalisateur, il est reconnaissable à chacun de ses plans,
auxquels il intègre toutes les possibilités de la syntaxe cinématographique.
Ainsi le flashback, déjà utilisé avant lui, correspond-t-il à la structure
même du film (La chute de Kane nous est révélée dès le début). Il
n'y a pas de destin, pas de suspense quant au devenir du personnage,
auquel Welles, qui est avant tout un prodigieux conteur refuse le
statut de héros. En ce sens, André Bazin a analysé toute l'importance
de la contre plongée, empruntée à Stagecoach (La chevauchée
fantastique, 1939) seule influence que reconnait Welles "La persistance de la contre-plongée dans Citizen Kane fait que nous
cessons vite d'en avoir une conscience claire, alors même que nous
continuons à en subir l'emprise. Il est donc plus vraisemblable que
le procédé corresponde à une intention esthétique précise : nous imposer
une certaine vision du drame. Vision que l'on pourrait qualifier d'infernale,
puisque le regard de bas en haut semble venir de la terre. Cependant
que les plafonds, en interdisant toute échappée dans le décor, complètent
la fatalité de cette malédiction. La volonté de puissance de Kane
nous écrase, mais elle est elle-même écrasée par le décor. Par le
truchement de la caméra, nous sommes en quelque sorte capables de
percevoir l'échec de Kane du même regard qui nous fait subir sa puissance" . Cette simultanéité est très bien rendue par la profondeur
de champ, qui permet à Welles de faire passer dans le même cadre ce
qui demanderait plusieurs plans à d'autres cinéastes. "L'œil du spectateur choisit de cette manière ce qu'il désire voir
dans un plan. Je n'aime pas lui imposer quoique ce soit".
Pour ce premier film, Orson Welles a su s'entourer d'excellents collaborateurs,
jouant admirablement de l'inexpérience des uns et de l'habileté des
autres, comme il a su conjuguer sa propre ignorance avec ses désirs
les plus ambitieux pour transcender les limites de la technique. Le
concours du grand chef opérateur Gregg Toland, dont la carrière est
surtout associée à celle de William Wyler, à été , de ce point de
vue, déterminant. Le scénario a été écrit en collaboration avec Herman
J Mankiewicz (frère du cinéaste), dont la critique New Yorkaise, Pauline
Kael voudra faire le véritable et unique auteur de Citizen Kane, une
thèse qui ne résiste pas à l'examen. L'auteur de la bande-son et de
la musique n'est autre que Bernard Hermann, le célèbre compositeur
de Psycho (Psychose, 1960) d'Alfred Hitchcock. Comme les acteurs, Joseph Cotten,
Agnes Moorehead, Everett Sloane, le musicien est issu du Mercury
Theatre et connait ici sa première prestation cinématographique.
Les
choses se passeront moins bien avec le deuxième film que Welles entreprend,
The Magnificent Ambersons (La Splendeur des Ambersons, 1942). Robert
Wise raconte dans un entretien accordé à Rui Nogueira pour Ecran 72
qu'à l'issue du tournage, Welles s'est lancé dans un projet qui devait
le mener au Brésil, laissant à ses collaborateurs le soin de terminer
le film. Il leur donna 35 pages d'instructions par télégramme, qui
seront malheureusement égarées. Jugeant la Splendeur des Ambersons
trop longue après quelques "previews" décevantes, la production
décide d'en raccourcir considérablement la durée en lui adjoignant
des scènes de raccord.
Ces modifications, effectuées en l'absence de Welles devaient être désavouées par le cinéaste, qui verra là le prix à payer pour avoir eu avec Citizen Kane "la plus belle chance de l'histoire du cinéma" et pour n'en avoir pas fait un succès. Si The Magnificent Ambersons étonne par sa facture classique, le film n'en demeure pas moins surprenant. Joseph Mc Bride, dans son "Orson Welles", donne une des clefs du savoir-faire Wellesien : "Welles fait durer les plans un peu plus longtemps que la normale : trente secondes, une minute (ou davantage) sont des durées si étranges pour des plans que le spectateur s'attend inconsciemment à ce qu'ils durent encore un peu."
Ce très beau film se ramène lui aussi à une "tragédie de l'enfance" dont Orson Welles est, cas unique dans son œuvre, physiquement absent,
mais présent par la voix Off du narrateur. Défection qui traduit un
rapport d'intimité très grand avec cette histoire tirée d'un roman
de Booth Tarkington, lequel s'était trouvé être un ami de ses parents.
Welles a commencé à travailler sur Journey into
Fear (Voyage au pays de la peur, 1943) alors qu'il tournait The Magnificent Ambersons.
Il a rédigé le scénario avec joseph Cotten d'après un roman d'Eric
Ambler et contribué à la réalisation, qui portera la seule signature
de Norman Foster. Il s'agit d'un film d'espionnage dont l'action se
déroule en Turquie peu avant la seconde guerre mondiale ; Welles incarne
le rôle du colonel Haki, chef de la police secrète Turque, auquel
il a donné de faux airs de Staline. Les relations difficiles que Welles
entretient avec la RKO se soldent bientôt par une rupture. George J.
Shaefer, le conseiller et ami du cinéaste, est remercié. Plusieurs
directeurs lui succéderont avant qu'Howard Hughes ne prenne en main
les destinées de la célèbre firme, qui décide dans l'immédiat d'interrompre
le tournage de It's All True d'un génie
ruineux.
La
disgrâce dont est victime le réalisateur, n'atteint cependant pas
l'acteur qui voit les propositions affluer. A court d'argent, Welles
accepte le rôle d'Edward Rochester dans Jane
Eyre (1943) et Robert Stevenson. Il confère à ce personnage
romantique sa formidable présence, ce qui enchante le public. Quelques
années plus tard, il sera inoubliable dans le film de Carol Reed,
The Third man (Le Troisième Homme, 1949), un rôle pourtant
assez court, qu'il a écrit et qu'il interprète - cas unique - sans aucun
maquillage. Pour des raisons avant tout financières, Welles n'hésitera
pas ensuite à promener sa silhouette de plus en plus imposante dans
des productions de qualités inégales, ce qui nous vaudra une étonnante
galerie de portraits où l'on ne sera pas surpris de trouver celui
de Dieu dans Ten Days' Wonder (La Décade Prodigieuse, 1971) de
Claude Chabrol. En attendant, l'Amérique vient d'entrer en
guerre, et ce roi du déguisement qu'une nature asthmatique a écarté
des champs de bataille triomphe tous les soirs sous l'habit du Magicien
devant un parterre de soldats, en sciant en deux une partenaire prestigieuse
Marlène Dietrich. La victime initialement désignée était la belle
et vulnérable Rita Hayworth, dont Welles est follement amoureux et
qu'il épousera en septembre 1943, ils auront une fille, Rebecca. Menacée
des foudres de son patron, Harry Cohn, Rita devra laisser sa place
à la dernière minute. Ces numéros d'illusionnisme donnés dans le cadre
du Mercury Wonder Show seront repris dans un film revue,
Follow the boys (Hollywood Parade, 1944). Welles déborde
d'activité, la politique y tenant une place importante : il participe
à la campagne électorale de Roosevelt et donne à travers l'Amérique
une série de conférences sur les dangers du fascisme en Europe.
Avec
The Stranger (L'Etranger, 1946) le film qui marque
la reprise de ses activités de réalisateur, Welles dira avoir voulu
donner au producteur Sam Spiegel des gages de sa bonne volonté. Etre
un "aussi bon réalisateur que n'importe qui d'autre", tel
est l'objectif de celui qui est devenu la bête noire de Hollywood.
Le Criminel, totalement renié par son auteur, est une œuvre mineure
et quelque peu datée qui ne manque cependant pas d'intérêt. Welles
y campe un personnage odieux comme il les aime, ancien nazi qui s'étant
refait une identité dans une petite ville du Connecticut est finalement
rattrapé par son passé ; Sa chute finale est époustouflante de virtuosité.
Les efforts de Welles vont trouver leurs récompenses. Harry Cohn,
rassuré sur son compte, est enfin disposé à lui confier sa vedette,
Rita Hayworth, dont Welles est à cette époque pratiquement séparé.
Le divorce sera prononcé en novembre 1947. Le seul film que le couple
Welles-Hayworth tournera se fera donc sous le signe de la rupture.
Le cinéaste annonce à grand renfort de publicité qu'il va révéler
une Rita Hayworth inconnue. Devant les journalistes médusés, il fait
couper les cheveux de la Star, dont la chevelure flamboyante était
devenue un mythe. Cette version très personnelle de Sanson et Dalila
ne laisse rien présager de bon. Harry Cohn ne tardera pas quant à
lui de s'arracher les cheveux et il repoussera la sortie du film de
deux ans, pour ne pas nuire à Rita.
The Lady from Shanghai (La Dame de Shanghai, 1948) est une intrigue policière plutôt compliquée dont Welles tire des effets très visuels.
Le deuxième film Shakespearien, Othello (1952) sera réalisé en 4 ans. Exilé d'Hollywood, Welles filme, grâce essentiellement à ses cachets d'acteurs, dans les studios distants de plusieurs milliers de kilomètres en Italie et au Maroc. Les Desdémone se succèdent et la dernière sera une actrice Canadienne, Suzanne Cloutier. Ici plus que jamais, Welles jongle avec les contingences et les raccords périlleux : "Chaque fois que vous voyez quelqu'un le dos tourné, une capuche sur la tête, soyez sûr que c'est une doublure, explique-t-il. Il m'a fallu tout faire en champ-contre champ parce que je n'arrivais jamais à réunir Lago, Desdémone et Roderigo etc...devant la caméra" D'où ces improvisations fabuleuses, ce style morcelé fait de plans très courts. Le plan séquence qu'il affectionne, étant trop coûteux et requérant une solide équipe technique. Mais le prodige est que la forme renforce au plus haut point le drame : "Ce rythme spasmodique souligne le délire croissant d'Othello, la montée du Mal, le dérèglement des esprits" Cette réussite, Welles la doit en partie au fait qu'il assure le montage du film, souveraineté qu'il revendique totalement et dont Filming Othello (1979), réalisé pour la télévision Ouest-Allemande, rendra magnifiquement compte. Le cinéaste assis devant sa table de montage, où il dit pouvoir passer un temps infini, déclarera "Ici, je suis chez moi !" ; Welles s'est souvent expliqué sur sa conception du montage, où la vision reste subordonnée à l'ouie "C'est une question d'oreille (...) En ce qui me concerne, le ruban de Celluloid s'exécute comme une partition musicale, et cette exécution est déterminée par le montage, de même qu'un chef d'orchestre interprétera un morceau de musique tout en rubato, un autre le jouera d'une façon très sèche et académique, un troisième très romantique, etc...Les images, elles-mêmes ne sont pas suffisantes, elles sont toujours très importantes, mais elles ne sont qu'images. L'essentiel est la durée de chaque image, ce qui suit chaque image, c'est toute l'éloquence du cinéma que l'on fabrique dans les salles de montages". Othello s'ouvre sur un cortège funèbre. Le Maure de Venise a déjà mis fin à ses jours. Une fois de plus, Welles veut démontrer les mécanismes qui mènent l'individu au pouvoir, puis à sa perte. Il a retrouvé pour la circonstance son vieux complice du Gate Theatre de Dublin, MacLiammoir. Ce dernier incarne un Lago inhabituel.
Mr Arkadin/Confidential Report (Dossier
Secret, 1955)
que l'usage a fait couramment nommer Monsieur Arkadin, est l'histoire
d'un puissant homme d'affaire, Mr Arkadin (Orson Welles), doté d'un
secret, l'origine de son immense fortune et d'une fille, Raina, incarnée
par Paola Mori, qui devint la troisième et dernière épouse de Welles.
Il aura ainsi une troisième fille, Béatrice. Arkadin
n'est pas sorti tout casqué du cerveau de Welles ; Le cinéaste s'est
inspiré du légendaire Bazil Zaharoff, l'un des plus grands marchands
de canons que la terre ait jamais porté. Welles va donner à son personnage,
mieux que de somptueux décors ou de fabuleuses possessions, un pouvoir
moderne entre tous ; Arkadin appartient à la mythologie : il s'agit
d'un ogre grimé en capitaine Némo, qui règne sur un monde corrompu
et grotesque et qui, se faufilant dans les dédales de ses origines,
finit comme Icare par une chute vertigineuse. Dans Touch of Evil (La Soif du Mal, 1958), Welles change apparemment
de camp en s'intéressant au policier Hank Quintan. Mais ce dernier,
dont les méthodes perverses consistent à fabriquer en toute impunité
des preuves permettant d'inculper des suspects, figure sans conteste,
parmi les grands "salauds" de l'univers Wellesien. Touch of Evil
marque le retour de Welles à Hollywood, où l'Universal a cédé au désir
de Charlton Heston d'en voir la réalisation confié à l'auteur de The Lady from Shanghai , pressenti à l'origine comme acteur. Ce Thriller
fascinant, qui repose sur un thème cher au cinéaste, l'amitié masculine
trahie, sera malheureusement mutilé. L'éblouissement technique d'Orson
Welles (contre-plongées, éclairages contrastés, profondeur et distorsion
de l'espace, jeux de miroirs) mise au service d'une quête obscure
de la vérité où la justice n'est souvent qu'une parodie d'elle-même,
appelant l'univers bureaucratique de Kafka, comme le K qui ornait
le portail de Citizen Kane pouvait annoncer l'initiale patronymique
d'un héros vaincu d'avance.
Dans The Immortal
Story (Une histoire immortelle, 1968), son premier film en couleur, tiré d'une nouvelle d'Isak
Dinesen, alias Karen Blixen, il nous conte en moins d'une heure l'ultime
caprice d'un marchand américain immensément riche ; Clay, vivant à
la fin du siècle dernier dans l'ile portugaise de Macao. Un soir,
cet homme solitaire et âgé se souvient d'une histoire qu'il a entendue
autrefois, celle d'un marin auquel un vieillard demanda contre de
l'or de passer la nuit avec sa jeune épouse, dont il voulait un héritier.
Une histoire que les marins se racontent et qui décide Clay à donner
corps à la légende ; Il mourra de voir son rêve accompli. F for Fake (Vérité et
mensonges, 1975) constitue
un prodigieux tour de magie cinématographique autour de l'imposture
en art. Welles est parti d'images, filmées par François Reichenbach,
représentant le célèbre faussaire Elmyr de Hory, auquel Clifford Irving
consacra un livre.
Ce journaliste n'a-t-il pas lui-même commis un faux en produisant
une prétendue autobiographie d'Howard Hughes, ce milliardaire invisible
et mythique qui a hanté l'œuvre du cinéaste ? Affublé de la cape et
du chapeau des prestidigitateurs, Welles en vient à parler de lui-même,
de ses mythifications célèbres, images à l'appui, avant de se jouer
une nouvelle fois du spectateur à travers une superbe jeune femme,
Ojar Kodar, qui aurait servi de modèle à Pablo Picasso ; Mais le peintre
n'a-t-il pas autorisé toutes les supercheries, lui qui a dit "la vérité est un mensonge" ? "Un mensonge
qui fait comprendre la réalité" ajoute Welles, qui remet ainsi
en question la conception capitaliste de l'art et rejoint "la mystique
de l'art gothique triomphant".
Le 10 Octobre 1985, Orson Welles succombe à une crise cardiaque, laissant derrière lui une œuvre fascinante, inoubliable et unique... Semblable à un immense puzzle auquel manquent peut-être quelques pièces de choix, tels ce Roi Lear en projet ou ce Don Quichotte inachevé, dont on attendait beaucoup...