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Tyrone Edmund Power, troisième du nom, naît le 5 mai 1914 à Cincinnati dans l'Ohio. Ainé d'une famille de deux enfants, fils de Frederick Tyrone Power II, d'origines Irlandaises et de Helen Emma Reaume (Patia de son nom de scène) d'origines Françaises. Ses parents sont des acteurs shakespeariens réputés qui se produisent régulièrement sur les planches. Tyrone est le troisième du nom d'une lignée de Tyrone Power qui se perpétue de père en fils. Il hérite du prénom Tyrone, Comté Irlandais d'où est issue sa famille du côté paternel. Fier de ses origines, il avouera souvent avoir des attitudes et piquer des colères qu'il attribue à son sang Irlandais. Le jeune Tyrone est frêle, de santé délicate, on a peu d'espoir qu'il devienne un jour un grand jeune homme robuste à la santé de fer. De plus, il grandit au sein d'une famille peu propice à l'entente, son père Tyrone II qui adorait jouer les jolis cœurs rendait malheureux sa mère. Un médecin conseilla à la famille Power de quitter Cincinnati et d'aller en Californie, où le climat serait plus propice au jeune enfant.
Le cinéma avait fait plusieurs offres à Tyrone, il accepta l'une d'entres elles et la famille alla s'installer à San Diego. Patia fut de nouveau enceinte et donna naissance en 1915 a une fille, Ann, bien robuste qui pesait près de 5kg à la naissance. D'ailleurs début de 1916, alors qu'elle n'avait que 6 mois, elle parut dans un film que tournait son père Where are our Children. Quelques temps plus tard, une nouvelle crise vint troubler l'entente du couple Power. On proposa à Tyrone un rôle dans une grande opérette à New York, Chu, Chin, Chow, vaguement inspirée de Ali Baba et les quarante voleurs. La vedette féminine était Florence Reed. Tyrone aurait pu faire une brillante carrière dans le cinéma, Patia le savait...Il n'était pas fervent partisan des opérettes, et pourtant, il accepta. Tout simplement, il avait là, le moyen d'échapper à la vie conjugale. Alors que Patia, comme la majorité des femmes désirait une vie de famille, Tyrone voulait échapper au mariage, qu'il considérait comme une prison, une contrainte indéniable.
Aussi, Patia, femme de fort tempérament, proposa le divorce à Tyrone avant son départ pour New York. Le divorce fut prononcé lors de la dernière représentation de l'opérette. Patia vécut quelques temps à San Diego avec ses deux enfants, puis loua une villa à Alhambra. Elle se vit confier le premier rôle dans une pièce de John Syeven Mc Groarty et de ce fait, fut obligée de confier les enfants à une gouvernante Frieda Tracy, qui devint pour eux une seconde mère. Tyrone et Ann furent élevés sévèrement, mère célibataire, Patia se devait de se faire respecter par ses enfants. Tyrone entra a l'école primaire à 6 ans et sa sœur au jardin d'enfants.
Tout au long de sa vie, il protégera sa sœur, en somme auprès de Ann, il remplaça le père absent. Au fil du temps, la santé de Tyrone s'améliora, même s'il ne devait jamais devenir un garçon très vigoureux. Tyrone et Ann avait tout deux une excellente mémoire, grâce à leur mère qui les avait élevé dans l'univers de Shakespeare. Ils connaissaient de longues tirades par cœur et adoraient monter des pièces et jouer aux acteurs. Leur père venait parfois leur rendre visite, leur offrait des cadeaux, mais jamais l'amour dont ils avaient besoin. A 7 ans, Tyrone fait ses débuts à la scène en jouant Pablo, le néophyte des Franciscains. Patia se marie pour la seconde fois, mais divorça rapidement, l'homme en question ne s'entendait pas du tout avec les enfants, épuisée, elle décida de rentrer à Cincinnati. Sur place, elle confia Ann dans une école catholique et envoya Tyrone chez les jésuites.
Il rencontra à cette occasion le frère Bill Schrœder, qui dirigeait la section d'Art Dramatique et l'encouragea vivement. Il fut donc convenu que Tyrone fasse ses débuts à la scène dès la fin de ses études secondaires. Le but de Tyrone est cependant encore plus ambitieux, il souhaitait devenir une star de l'écran. Il savait qu'il devait rôder ses dons avant de tenter sa chance à Hollywood. Aussi il confia à sa mère le désir d'aller vivre chez son père quelques temps. A cette occasion ce dernier écrivit à son fils : "J'ai beaucoup pensé à ton ambition de devenir acteur de cinéma et je me demande comment je pourrai t'aider. Tu ne pourras rien faire avant l'année prochaine, puisque tu dois terminer tes études. Puis-je te tracer un programme qui te permettra, cependant, de préparer l'avenir : Prendre des leçons de chant, de danse, faire de la culture physique, prendre des cours de diction, déclamer à voix haute une fois par jour, étudier ton visage dans la glace et en contrôler les expressions diverses.[...] Tu as la chance d'avoir une mère remarquable pour te guider. Elle sait, comme moi, que plus tu auras d'aptitudes et de connaissances, mieux tu seras armé pour ta carrière d'acteur. Le cinéma parlant nous ouvre des perspectives illimitées. Très bientôt les plus grands noms se liront sur l'écran et le théatre, tel que je l'ai connu, n'existera plus que dans les grandes métropoles. Physiquement, tu as tout pour réussir, il ne te reste qu'à tirer partie de tes dons. Recherche avant tout la beauté et la sincérité [...]"
Alors que Tyrone terminait ses études son père tournait The Big Trail (La Piste des Géants, 1930), où John Wayne faisait ses débuts. L'année suivante, Tyrone rejoignit son père à New York, Patia sentit qu'elle perdait son fils. Il était à présent un beau garçon, à la beauté grave, au regard pénétrant.. Le père et le fils voyagèrent ensemble, Tyrone II parlait de théatre à son fils, de ses débuts et Tyrone III l'écoutait avec admiration et sollicitude. A l'automne 1931, le père de Tyrone obtint un rôle important dans un film de la Paramount avec Chester Morris et Sylvia Sidney : Le miracle. Les prises de vues prirent du retard, se prolongèrent. Un soir Tyrone rejoignit son père dans sa chambre et le trouva éprouvé, il appela le médecin, hélas trop tard. Il prit son père dans ses bras et le sentit glisser, il venait d'être foudroyé par une crise cardiaque.
Après la mort de son père, Tyrone retourna à Chicago où il s'était fait des amis et espérait l'obtention de rôle dans des théatres, c'est ce qui arriva. Puis après quelques rôles, en 1936, il frappe à la porte de la 20th Century Fox, se présente devant Henry King et, avec caractère, dit : "J'ai lu dans les journaux que vous prépariez un grand film : Lloyds of London, et j'ai pensé qu'il y avait peut-être quelque chose pour moi". King fut impressionné par une telle assurance, il pensa que ce jeune homme savait précisément ce qu'il voulait et comment l'obtenir. King venait de faire cinq essais à un autre jeune premier, Don Ameche. Mais ce dernier était bien moins séduisant que Tyrone. King appela Darryl Zanuck, le président de la Fox, afin qu'il vienne voir les essais dans la grande salle de projection. Zanuck arriva, escorté de cinq ou six personnes, qui lui donnaient raison quoiqu'il se passe. Le grand ponte examina les essais de Tyrone et resta dubitatif, cependant, King eut raison de lui, il accepta d'engager Tyrone à la place de Don Ameche. Ainsi, Tyrone débutait sa carrière d'acteur avec ce grand role prometteur. C'est Madeleine Carroll qui devait être sa partenaire, les références cinématographiques de Tyrone étaient fort minces et on se demandait comment les autres acteurs allaient réagir sur le tournage.
Quoiqu'il en soit, ce film était la première mesure d'une longue valse que Zanuck mena à la baguette pendant quinze ans. Lloyds of London (Le Pacte, 1936) fut un immense succès commercial. La critique prédit que Tyrone plairait beaucoup aux dames... De plus, il était souple et semblait avoir un talent surprenant pour toujours se montrer à la caméra sous les meilleurs angles, il avait une voix très radiophonique aux effets nuancés et doux... Mais on trouvait que son personnage manquait de profondeur, et de par ce fait ne permettait pas à Tyrone de se mettre en valeur ; son gros problème est d'être arrivé au beau milieu d'une page du cinéma ou les grandes firmes fabriquaient avant tout des acteurs photogéniques, le talent importait peu. On demandait à Tyrone d'être beau et souriant, sans tenter d'exploiter ses dons. On était loin des Katharine Hepburn ou des Bette Davis qui étaient plus singulières et attachantes, que belles. Leurs voix étaient arrogantes, leurs gestes déconcertants, elles ne pouvaient compter que sur leur talent. Après Lloyds of London, Tyrone peut s'installer à Hollywood, et enchainer les films. Zanuck devient très paternel et voit un grand avenir à son jeune premier, il se l'imagine en séducteur de boudoir, en frère cadet de Clark Gable ou plutôt de Rhett Butler. Rapidement, le charme de Tyrone opéra sur ses partenaires, Loretta Young, une des starlettes de la Fox, en fut victime, puis ce fut au tour de Sonja Henie, la championne Norvégienne de patinage artistique, qui venait aussi faire carrière à Hollywood. Tyrone tourna deux films avec Sonja, Thin Ice (Le Prince X, 1937) et Second Fiddle (La Fille du Nord, 1939).
A la fin des années 30, la Fox réunit un bon nombre de starlettes et de jeunes premiers qui rivalisent avec les perles des autres firmes. C'est ainsi que Tyrone est rapidement en concurrence avec Robert Taylor, le beau ténébreux de la MGM. Tyrone avait pour lui une désinvolture un peu impudente, une voix chaude et mélodieuse, alors que Taylor afin de rester virilement impassible, avait un débit assez monotone. L'assurance de Tyrone, un peu impertinente, son charme très consciemment mis à profit, lui valait l'attention d'une certaine presse de cœur. Certains journalistes de Hollywood avait bien jugé Tyrone. Il avait des répliques pleines d'esprit, il raillait avec un humour impitoyable, son grandissant succès. En apparence, il affectait de rire de ce qui, en vérité, le menaçait à tout moment : un film raté, une critique acerbe ou l'insinuation qu'il ne devait sa carrière qu'au fait d'être l'enfant chéri de Zanuck et de King. Tyrone était trop sensible, trop vulnérable pour pouvoir résister longtemps et il s'était réfugié dans la malice... Alors, il redevenait l'insouciant jeune homme qu'il avait été avant de devenir une pièce de la colossale machine 20th Century Fox. Tyrone assistait aux soirées données chez Zanuck, il fit le connaissance d'Errol Flynn et de David Niven, travaillant respectivement pour Warner et Sam Goldwyn. Ils devinrent grands amis. Il se lia d'amitié avec Cesar Romero et tout ce petit groupe se gaussait des conquêtes féminines qu'il faisait, tous jouaient les jolis cœurs auprès des starlettes. Tyrone papillonnait, mais bien vite l'envie le prit d'avoir une femme bien à lui. C'est ainsi qu'en 1937, il fut pris d'un gros béguin pour Janet Gaynor, qui avait sept ans de plus que lui. Pendant ce temps Zanuck avait élargi ses horizons au-delà des Etats-Unis, il était allé chercher en France, l'actrice Annabella. Née, Suzanne Charpentier, fille d'un journaliste, Annabella avait commencé très tôt une brillante carrière d'artiste. Elle avait un gentil visage rehaussé d'un ensorcelant sourire. Elle avait élevé seule sa fille, Annie, alors âgée d'une dizaine d'années, puis avait épousé Jean Murat. Très ambitieuse, Annabella s'empressa d'aller tourner à Londres pour une compagnie Américaine. C'est ainsi qu'elle tourna aux côtés d'Henry Fonda, Wings of the Morning (La Baie du Destin, 1937), film entièrement en Technicolor. Tyrone vit le film en projection privé, mais ne fit aucune remarque sur Annabella, même si on dit qu'Henry Fonda ne resta pas insensible au charme de la jeune française.
Quelques temps après, l'immense succès obtenu par le film San Francisco (1936) produit par la MGM donna à la Fox l'idée de monter en film In Old Chicago (L'incendie de Chicago, 1938). On prendrait alors Clark Gable pour jouer le rôle du fils de Mrs O'Leary, qui selon la légende avait une vache qui mit le feu à Chicago, en renversant la lanterne dans le foin. Zanuck était même prêt à engager Jean Harlow, partenaire de Gable dans plusieurs films. Des pourparlers furent donc entreprit avec la MGM. Mais rapidement abandonnés, par ailleurs King trouvait que Clark Gable avait passé l'âge pour jouer le jeune fils de Mrs O Leary. De plus Jean Harlow venait de tomber gravement malade et mourut peu après...Ce qui mit un terme final au projet initial. Il fut donc convenu que Tyrone joue Dion O'Leary avec pour partenaires Don Ameche et Alice Faye. Le film fut un succès, ce qui poussa Zanuck à renouveler l'expérience de faire tourner ensemble ce fameux trio. C'est ainsi qu'ils tournèrent Alexander's Ragtime Band (La folle Parade, 1938), comédie musicale d'Irving Berlin.
Tyrone qui n'avait jamais tourné de comédie musicale fit merveille et Zanuck s'employa dès lors à lui confier tout genre de rôle. Le succès grandissant de Tyrone fit des envieux et il commença à intéresser les autres firmes. La MGM lançait un grand projet, un film historique, Marie-Antoinette (1938). Avant sa mort Irving Thalberg, époux de Norma Shearer, avait investi près d'un million de dollars dans la préparation du film consacré à l'infortunée Reine de France, y compris les droits de la biographie de Stefan Zweig. Norma Shearer suggéra Tyrone Power pour jouer le rôle du comte suédois Axel de Fersen, ami loyal de la reine. Zanuck était fier de voir que son "poulain" intéressait les autres, d'autant plus qu'il allait tourner auprès de grands acteurs, comme John Barrymore et Robert Morley. Il accepta donc de "prêter" Tyrone pour cette super production. Mais malgré les décors somptueux, la mise en scène flamboyante, le film n'obtient pas le succès escompté et Tyrone fut démoralisé par les critiques qu'il lisait : "Tyrone Power est fort beau en comte Scandinave" ou "Tyrone Power tient un rôle sans éclat".
Furieux que la MGM n'ait pas donné à Tyrone un rôle prédominant, Zanuck décida de pallier à cet échec en lançant à son tour un film historique, c'est ainsi que Suez fut projeté et tourné en 1938. Tyrone tiendrait le rôle principal, celui de Ferdinand de Lesseps. Pour partenaires, il aura Loretta Young dans le rôle de l'impératrice Eugénie et... Annabella, l'actrice française dans le rôle de la fille d'un légionnaire. Au début du tournage, Annabella fut étonnée par le prestige de Loretta Young, elle disait que tous les regards se tournaient vers elle dès qu'elle apparaissait sur le plateau. Cette prestance décontenançait la jeune française, qui préférait de loin rester enfermer dans sa loge, même pendant les pauses repas. Quant à Tyrone, elle le trouvait beau, mais se méfiait des jolis cœurs et gardait ses distances. Dans la famille Charpentier, on se moquait volontiers des beaux garçons comme Tyrone et Annabella n'en faisait pas exception. Cependant, c'est lors d'une scène qu'ils devaient tourner ensemble que le destin de Tyrone et Annabella se joua.
Elle dira de leur rencontre : "Ma rencontre avec Tyrone est comique...Je tournais donc "Suez" avec lui. Comme il était une grande star, toutes les femmes lui couraient après. C'était insensé. Je n'en étais que plus froide et distante. Moi, j'étais mariée et j'avais gardé mes habitudes de travail parisiennes : toujours manger seule, pour ne pas être distraite avant une scène, et toujours me maquiller seule. Ainsi, je suis vraiment le personnage quand je tourne. Entre les prises, je restais dans ma loge... Mon travail m'intéressait et m'absorbait. Ce jour-là, on tournait une scène très sérieuse, où, en la personne de Ferdinand de Lesseps, Tyrone se demandait s'il devait ou non percer le Canal. J'étais à genoux près de lui et je l'encourageais : "Mais si, mais si !". Soudain, la lumière s'éteint. Et tout le monde se tait... étonnée du silence, j'ai été prise de fou-rire et je me suis mise à parler à haute voix. Je dis à la cantonnade, en anglais, mais avec mon accent français : "Mes pauvres enfants, en France, aux studios d'Epinay, les pannes, ça arrive tout le temps. Nous, on répare avec des pinces à linge. Mais ne faites donc pas tant de chichis !" Et chacun de rester silencieux, le regard fixe... "Mais voyons, ça va revenir !". Enfin, la lumière se rallume et Tyrone m'a expliqué qu'il s'agissait d'une minute de silence en hommage à je ne sais quel ponte de la Fox qui venait de mourir ! J'ai éclaté en sanglots et j'ai couru dans ma loge. Autant j'avais ri comme une idiote, autant j'ai pleuré comme une imbécile. Mes faux cils se décollaient, mon rimmel coulait, la catastrophe. Vous voyez le tableau ! Je me disais : "Ils vont me prendre pour une french frog (grenouille française) qui n'a pas de cœur !" Un électricien s'est approché de moi et m'a dit : "Finalement, il n'était pas si bien que ça, le grand ponte. Ne pleurez plus." Dwan, le réalisateur, a du avancer l'heure du déjeuner. Pour me consoler, Tyrone, m'a fait prier de venir manger avec lui. Il m'a offert un verre de porto. Le soir, il m'a invité à dîner avant d'aller faire un enregistrement à la radio. Je téléphone à ma mère pour la prévenir que je ne rentrais pas dîner (toute ma famille était là-bas, avec ma fille). J'y vais comme je suis, démaquillée de toutes les couleurs et dans tous les sens, le cheveu aplati par la perruque que j'ai portée toute la journée, en tailleur bleu marine, avec des socquettes et en talons plats. Nous sommes allés ensemble à une fête de charité et... nous ne nous sommes plus quittés." Au grand damne de Zanuck, la liaison entre Tyrone et Annabella devenait sérieuse, il décida donc d'éloigner son jeune premier, persuadé que cette union nuirait à sa réputation. En effet, Annabella était une femme mariée, plus âgée que lui et française.
Tyrone fut donc expédié dans le Missouri à Penneville plus exactement pour le tournage d'un film. Jesse James fut un réel succès, Tyrone y incarnait Jesse James, le brigand bien-aimé assassiné par un traitre et le rôle de Franck, son frère était tenu par Henry Fonda. La ville est vite envahie par les admirateurs en tout genre, Henry Fonda dira : "C'était à Pinneville, un jour de Noël. Une large publicité avait été faite, et installés tant bien que mal à l'arrière d'un camion, nous avons donné des milliers d'autographes. Une heure durant, nous avons été pris d'assaut. Sans doute parce qu'il avait l'habitude de ce genre de manifestations, Tyrone restait très souriant, très à son aise. Je l'ai toujours admiré pour cela. Il fait tout avec aisance, il sait garder le sourire. Moi j'étais furieux". Entre temps, les lettres dédiées à Annabella se multiplient toujours plus pressantes les unes que les autres, il tiendra un journal à cette époque où il parle modestement de la luxieuse villa louée pour lui pendant le tournage de Jesse James. Malgré tout son amour pour Annabella, il ne put s'empêcher d'avoir une aventure avec une admiratrice, aventure sans lendemain, quoiqu'il en soit la jeune femme tomba enceinte et curieusement n'en avisa pas Tyrone. Plus tard, il tenta de retrouver la trace de l'enfant, en vain. Lorsqu'il retourna à Hollywood, Tyrone décida de préparer son mariage avec Annabella, dans la plus grande discrétion, pour contrer sa mère, qui n'approuvait pas un mariage avec une femme plus âgée, et Zanuck qui ne voulait pas entendre parler de ce mariage. Annabella quant à elle, partit en France pour régler son divorce avec Murat et être libre d'épouser Tyrone. Pendant ce temps, Tyrone resta à Hollywood et passa le plus clair de son temps au service de montage où il fit la connaissance d'un employé subalterne, J.Watson Webb, qui devint son meilleur ami.
Tyrone et Annabella se marièrent le 23 avril 1939. avec pour témoins l'acteur Don Ameche (pour Tyrone) et Pat Patterson (Mme Charles Boyer) pour Annabella.
Cette dernière dira : "Je portais une petite robe et un petit feutre bleu pâle. La fête eu lieu dans les jardins de la grande maison de Charles Boyer à Bel Air. La cérémonie avait attiré des dizaines de photographes que nous avons invités à boire le champagne, Seul Zanuck avait refusé d'assister à ce désastre : le mariage de sa star. Fou furieux, il m'avait mis sur une liste noire." Ils s'installèrent très vite dans une résidence Georgienne d'un beau quartier résidentiel, Saltair. Ils firent leur voyage de Noces à Paris et durent ruser pour échapper aux curieux. Ils parcoururent la France, Annabella apprenait le français à Tyrone, qui n'en retenait qu'un minimum. Peu de temps après, il adopta la fille d'Annabella, Annie. De retour à Brentwood, leur résidence de Saltair se transforma et devint le lieu fétiche des rendez-vous des stars internationales. On y voyait entre autres, Cesar Romero, David Niven, Claudette Colbert, Charles Boyer, Rex Harrisson, Cary Grant etc... Le couple Zanuck ne faisaient pas partie des invités du dimanche, mais ils invitaient Tyrone et Annabella à chacune de leurs soirées. Watson, l'ami inséparable ne quittait plus Saltair, il était l'ombre de Tyrone et il est sans nul doute probable que peu d'épouse américaine aurait supporté sa présence aussi imposante. Mais Annabella n'était ni américaine, ni une épouse ordinaire, elle s'accommoda donc de Watson et ils formaient un heureux ménage "à trois". Annabella se sentait mal à l'aise au milieu de ce qu'elle appelait "la faune Hollywoodienne". Au contraire, Tyrone y était très à son aise, toujours entouré des plus belles femmes, trop richement vêtues, trop tapageuses. Cela lui valut souvent des scènes de ménages de la part de la jeune mariée, mais Tyrone ne faisait rien pour décourager les jeunes femmes... Annabella savait que Tyrone s'entichait de ses partenaires féminines, lorsqu'elle tentait de le raisonner, il répondait qu'il fallait lui pardonner, qu'il n'était plus lui-même.
Après quelques années de mariage et beaucoup de concessions d'un côté comme de l'autre, ils finirent par trouver un terrain d'entente, en somme leur mariage était presque réussi. Le couple vivait en quasi harmonie, ils élevaient des poules à Saltair et une cargaison de chiens couraient dans le parc de la résidence. Tyrone offrit un cheval à Annie, Moonlight.
Annabella dira de Tyrone "La vie avec Tyrone était un rêve. C'était l'être les plus exquis, le plus gentil qu'on puisse imaginer. Tous les jours, il inventait quelque chose pour me faire plaisir. C'était la perfection dans tous les domaines. Il m'a comblé, m'a offert les plus merveilleuses années de ma vie. Il tapissait de fleurs le chemin de la maison au garage, commandait des musiciens la nuit sous les fenêtres. Un vrai conte de fées. Si cela m'était arrivé à seize ans, j'aurais sûrement trouvé tout naturel que l'homme qui était amoureux de moi mette des fleurs partout, de la porte d'entrée à la voiture. Mais j'avais déja été mariée (à Jean Murat) et je savourais chaque moment... La semaine, nous travaillions tous comme des fous, mais, le week end, c'était la fête. Il y avait table ouverte chez nous. On jouait aux devinettes, aux charades et le croquet faisait fureur. Tyrone s'entraînait à l'escrime et dès que nous avions un moment de liberté, nous partions." En 1939, Tyrone tourna Johnny Apollo (1939) et Brigham Young : Frontiersman (Brigham Young, 1940). Cependant, il n'obtint qu'un rôle secondaire dans Brigham Young : Frontiersman, même si son nom apparaissait en tête du générique, c'est Vincent Price qui tient le rôle principal.
Au début Tyrone hésita mais Zanuck insista tellement pour qu'il tienne le rôle du mormon qui conduit la communauté jusqu'en Utah, qu'il finit par accepter. Entre temps, les fêtes à Saltair n'en finissaient pas, l'Elite Hollywoodienne se retrouvait au bord de la piscine des Power, au grand damne d'Annabella qui voyait sa maison transformée en une sorte de club des gens du cinéma. Mais malgré tout, elle faisait bonne figure et jouait les hôtesses avec beaucoup de charme.
En 1939, suite à la mauvaise expérience avec la MGM, Zanuck refusa de prêter Tyrone à la Columbia pour le tournage de Golden Boy (L'esclave aux mains d'or, 1939), le privant alors d'un rôle en or. Pris de scrupule, il avait engagé Rouben Mamoulian, le metteur en scène de Golden Boy pour diriger The Mark of Zorro (Le Signe de Zorro, 1940). Tout dans ce film enchanta Tyrone, bellâtre de jour, redresseur de torts la nuit, il semait la terreur parmi les coquins qui tyrannisaient les pauvres gens. Excellent escrimeur, il maniait assez bien l'épée pour tourner lui-même les scènes de Duel. On lui donna Linda Darnell comme partenaire féminine et Basil Rathbone tint le rôle de son ennemi. Le film fut un succès, Tyrone en tant que justicier bondissant et plein de charme s'était encore attiré l'affection d'un public grandissant.
En 1941, alors qu'il aimerait jouer une pièce de théatre avec Annabella, Zanuck lui annonce qu'il tiendra la rôle principal dans Blood and Sand (Arènes sanglantes). Mamoulian, qui était devenu un intime du couple Power, dirigerait le film. Il conseilla à Tyrone d'aller voir une corrida pour s'imprégner du sujet. Il était convenu que la grande Nazimova tienne le rôle de la mère de Tyrone et un contrat avec la Columbia avait été signé pour que Rita Hayworth soit la vedette féminine. Mamoulian fit de Blood and Sand un magnifique spectacle "d'ombres et lumières". Dans le rôle du pauvre péon que la faim pousse à affronter la mort parmi les clameurs, Tyrone Power était somptueux, d'une beauté à couper le souffle. Pour partenaires, Linda Darnell, dans le rôle de la douce épouse et donc Rita Hayworth dans celui de la vamp sans scrupules qui séduit le matador. Le trio d'acteurs est excellent et le film est une réussite. Après Blood and Sand, Tyrone enchaîne des films de guerre, A Yank in the RAF (Un Yankee dans la R.A.F, 1941) aux côtés de Betty Grable ou This above all (Ames Rebelles, 1942) avec Joan Fontaine puis Son of Fury (Le Chevalier de la vengeance, 1942), film d'aventure. Mais la mainmise de Zanuck sur Tyrone l'empêchait d'honorer de grands rôles que pouvaient parfois lui proposer les autres firmes. Il se fit un ami, Antoine de Saint-Exupery, grand ami d'Annabella, écrivain et doté de grands talents de magicien. Tyrone partagea avec ce grand homme sa passion pour l'aviation mais fut incapable, malgré tout, d'apprendre un tour de magie.
En juillet 1942, Tyrone et Annabella organisèrent chez eux, une vente de charité au profit de la France Libre. Ils font recette... Annabella dira : "Nous avons fait une grosse recette... Le seul ennui c'est que nous n'avions plus de jardin. Il y était passé plusieurs milliers de personnes. Nous étions morts de fatigues mais contents de nous." Tyrone tourne The Black Swan (Le Cygne Noir, 1942) aux côtés de Maureen O'Hara. Le film terminé, il s'octroya quelques jours de détente à Saltair mais ne pouvait s'empêcher d'écouter chaque bulletin de guerre.
A la même époque, l'amitié de Tyrone et Watson monta d'un cran. Tyrone éprouvait pour lui une affection qui n'était pas de la simple camaraderie, il avait en lui une confiance aveugle, une adoration unique. Ils se parlaient avec une sincérité et un abandon sans pareil, qu'ils n'avaient jamais eu ou éprouvé avec quiconque auparavant. Tyrone écrira à Watson : "Crois-moi Watson, ce que tu me dis de notre amitié, je le pense mille fois. Tu es en fait, mon seul ami intime. Après nos longues nuits de veille, tu dois le savoir. Je n'ai pas à te dire des choses que tu sais si bien..." Après le tournage de Crash Dive (Requins d'acier, 1943), dont la critique fut sévère, Tyrone se présenta au bureau des recrutements de la marine à Manhattan. Il signala qu'il avait son brevet de pilotage, mais fut malgré tout déclaré inapte. Il comprit aussitôt que Zanuck empêchait toute affectation.
Il réussit enfin a être mobilisé et envoyé avec Henry Fonda au camp de Pendleton. Mais avant son départ, il eut une liaison qui mit dangereusement son mariage en péril. Il s'éprit violemment d'une femme, Judy Garland, au point de mentir à son épouse. Judy était exigeante, elle alla jusqu'à demander à Tyrone de quitter Annabella pour elle. Entre eux ce fut l'amour fou pendant un certain temps, mais interrompu par l'appel de Tyrone au camp de Pendleton. Mme Lang, ex-ami de Carole Lombard, donna avec Annabella une soirée en l'honneur de Tyrone, mais aussi de Glenn Ford qui allait intégrer les Marines. Rapidement, Tyrone sut se servir d'un fusil, se montrant une excellente recrue et passa très vite au rang de Lieutenant .
Pendant ce temps, Ann Hardenberg, la sœur de Tyrone, enceinte, était venue tenir compagnie à Annabella à Saltair. Lorsque Tyrone revenait à Saltair les WE, c'était pour tenter de sauver son ménage. Pourtant, toujours tiraillé entre Judy et Annabella, il finit par s'éclipser aussi le week end et restait avec Henry Fonda à San Diego "Je n'ai jamais vu Henry de si belle humeur" écrit-il un jour à Watson. Judy refusait de voir Tyrone, elle lui avait adressé un ultimatum et menaçait même Tyrone de suicide. Lorsqu'il avoua à Annabella son amour pour Judy, celle-ci resta stoïque et refusa le divorce. A l'humiliation de cet adultère s'ajoutait pour Annabella l'impossibilité de donner un enfant à Tyrone, ceci, malgré les examens. La liaison avec Judy terminée, Tyrone tenta de se faire pardonner par son épouse, suivirent de longues lettres et elle le pardonna, même si la blessure ne devait jamais vraiment se refermer.
Au Printemps 1944, il écrivit à Watson : "Un mot seulement pour te dire que je pense à toi. Je suis arrivé hier. Ici c'est affreux. La base est immense, terriblement anonyme. Je voudrai que tu demandes à Clark (Gable) de m'envoyer par écrit, la raison qui l'a fait revenir à la vie Civile. Plus de mille personnes me l'ont demandé. Tout ce que je peux répondre c'est que je n'en sais rien, mais il a bien de la chance." Ty fut affecté à un escadron de transport de troupes et apprit à piloter un DC3. Il pilota également un bombardier D25. Enfin, le 21 novembre 1945, Tyrone rentra définitivement et même si le couple Power reprit une vie "normale", plus rien ne fut comme avant, la guerre, mais aussi Judy et la faiblesse de Tyrone les avaient séparés. Tyrone tourna en mai 1946 The Razor's Edge (Le Fil du Rasoir) aux côtés de Gene Tierney et Anne Baxter. Avec le retour de Tyrone, les rendez-vous du dimanche à Saltair, reprirent de plus belle. Avec tous les habitués, Cesar Roméro, les Niven etc...Mais un dimanche, alors qu'ils faisaient une partie de cache-cache dans la résidence, Primmie Niven, âgée de 25 ans, chuta mortellement dans les escaliers de la cave de Saltair et décéda à l'hôpital. Ce fut un drame éprouvant pour Tyrone et Annabella. Tous se succédèrent pour venir en aide au pauvre David. Alors que Tyrone s'apprêtait à tourner Captain from Castile (Capitaine de Castille, 1947), il eut une aventure avec Lana Turner. Il partit au Mexique tourner le film et Lana le rejoignit à sa grande surprise. Très entreprenante, Tyrone fut vite étouffé et supplia Annabella de ne pas demander le divorce. En 1947, Tyrone tourne Nightmare Alley (Le Charlatan).
Le film dont on attendait pas les éloges, fut un succès et Zanuck en fut consterné. Tyrone y tient le rôle d'un homme qui parvient au succès en se servant des femmes attirées par son physique. Puis, il devient l'ombre de lui-même, sombre dans la folie. Zanuck était persuadé que ce rôle nuirait à Tyrone, que ses admiratrices seraient horrifiées de le voir dans "cet état". Mais ce film lui permit de prouver qu'il était un acteur capable d'une composition difficile et convaincante. Tyrone mit fin à sa liaison avec Lana, et Annabella demanda le divorce, qui fut prononcé à son profit le 26 janvier 1948. Tyrone était libre et ruiné, pourtant il s'arrangea pour qu'Annabella reçoive une pension honorable pour le reste de sa vie.
Quelques temps plus tard, il rencontra Linda Bianca Christian, d'origines Mexicaines, qui dans le même hôtel, alla lui demander un autographe pour sa jeune sœur. Il avait déjà rencontré Linda qui avait obtenu un petit rôle dans un film qui se tournait à Acapulco quand Tyrone tournait Capitaine de Castille. Pour se débarrasser de l'envahissante Lana qui le harcelait au téléphone, Tyrone tomba amoureux de Linda, formule qu'il avait l'habitude d'utiliser pour se sortir des aventures sans fins. Très libérée sensuellement, prétendant parler sept langues, Linda ne manquait pas d'arrogance. Peu d'amis de Tyrone la prirent en estime. Ils s'installèrent à Copa de Oro, dans un quartier huppé d'Hollywood. et elle tenta rapidement d'écarter Watson, l'ami qu'elle jugeait "envahissant". Elle en était jalouse et persuadée qu'il complotait contre elle pour empêcher Tyrone de l'épouser. Mais malgré les avertissements de ses amis, Tyrone épousa Linda le 27 janvier 1949 à Rome en l'église Santa Francesca Romana. Le mariage fut fortement médiatisé...Quelques temps après Linda se rendit compte qu'elle était enceinte, persuadée de mettre au monde Tyrone Power IV. Hélas, la grossesse se passa mal et elle mit au monde un enfant prématué, un petit garçon, qui mourut à la naissance. Elle accompagna Tyrone au Maroc pour le tournage de The Black Rose (la Rose Noire, 1950) dirigée par Henry Hathaway. Tyrone jouait aux côtés d'Orson Welles. Mais contrairement à Tyrone, toujours docile, Orson jouait à sa manière et subissait les remontrances d'Hathaway, qui malgré tout ne pouvait s'empêcher de trouver son rétif interprète, véritablement brillant.
Linda se retrouva de nouveau enceinte et accoucha d'une petite fille le 2 octobre 1951, baptisée Romina Francesca, en souvenir de leur lieu de mariage. Tyrone raffolait de sa fille, ce qui lui faisait oublier en partie les films déplorables qu'on lui faisait tourner. Son contrat avec la Fox expirait en 1952 et il n'avait aucune intention de le renouveler. Il tourna successivement, Rawhide (Attaque de la malle-poste, 1950), I'll never forget you (Le grand choc, 1951) et Diplomatic courier. Après avoir quitté la Fox, il tourne The Mississippi Gambler (Le Gentilhomme de Louisiane, 1953) pour Universal. Et c'est lors des prises de vue de ce film qu'il rencontra Anita Ekberg, "la sirène suédoise".
En Août 1952, Tyrone reçut une proposition de Charles Laughton pour faire une tournée avec lui sur les planches. Il ne pouvait rêver mieux, malgré l'avis négatif de sa femme, il se lança dans l'aventure. Il joua John Brown Body's et ce fut un réel succès. Avec l'aide de Charles Laughton, Tyrone avait dans ce rôle totalement dépouillé son personnage de vedette. Alors qu'il était à New York, il reçut une lettre de Watson, qu'il n'avait pas revu depuis son mariage avec Linda. Il répondit : "J'ai reçu ta lettre qui m'a beaucoup touché. En effet, il nous est arrivé bien des choses, bonnes et mauvaises, mais il est réconfortant de voir que, fondamentalement, rien n'a changé." Cependant son mariage avec Linda allait de plus en plus mal, la vie à Copa de Oro était quasiment devenue impossible. Pendant l'été 53, profitant de l'interruption de la tournée de John Brown Body's, Tyrone était revenu en Californie et avait tourné pour la Fox King of the khyber rifles (Capitaine King, 1953). Pendant ce temps, Linda entame une liaison avec Edmund Purdom, le nouveau jeune premier de la MGM. Alors que Tyrone annonce le divorce à Linda, elle lui dit qu'elle attend un enfant. Ils eurent une brève réconciliation, Taryn vint au monde le 13 septembre 1953. Plus tard, Taryn dira : "Nous n'avons pas eu de parents. Ils menaient leurs vies selon leurs goûts et leurs intérêts personnels. Ils nous manquaient d'ailleurs fort peu. Nous les connaissions à peine et nous aimions beaucoup notre grand-mère. Mon père, je le sais, avait ses faiblesses, comme tout le monde. Comme maman. Ma mère était une femme brillante, sensible, qui avait beaucoup souffert de ses erreurs." En effet, les petites filles furent élevées une grande partie de leur vie par leur grand-mère maternelle à Mexico.
En 1956, Tyrone fonde sa propre compagnie de production : la Copa Production Company. La même année, il tourne Eddy Duchin Story (Tu seras un homme, mon fils, 1956) pour la Columbia, avec pour partenaire Kim Novak. Quelques mois plus tard, Linda obtenait le divorce.Tyrone ressentait en lui une haine croissante pour la Californie, Hollywood et tout ce qui s'y rattachait. "Merde pour la Californie", écrira-t-il à Watson. Après une brève liaison avec Mary Roblee, il se retrouvait seul, terriblement seul. Il partit donc en Europe à la conquête des pièces de théâtres, mais à peine arrivé à Londres, alors qu'il veut fuir Hollywood, il ne voit que des visages connus. Ava Gardner, David Niven, Robert Mitchum... D'ailleurs à un journaliste Londonnien, il dira que la capitale du cinéma avait perdu tous ses attraits "J'y ai tourné quarante-deux films et 90% d'entre-eux m'ont déçu. Si vous me demandez ceux que j'ai préférés, j'aurais du mal à en citer trois... On ne peut pas être toujours un chevalier sans peur et sans reproche. J'ai quarante deux ans et il y a une quantité de jeunes et beaux gars mieux qualifiés pour ce genre de rôles. Pour se raser tous les matins, il faut se regarder dans la glace. On comprend alors pourquoi le téléphone sonne de moins en moins, pourquoi personne ne frappe à votre porte. A Hollywood, on ne rencontre que des gens qui font le même métier que vous. Toujours les mêmes têtes...Et le dialogue ne change guère non plus. On ne parle que boutique." Interrogé sur ses deux mariages, il dira : "Je ne dirai pas que je me suis trompé en épousant les deux dames en question. Je ne donnerais pas les souvenirs qu'elles m'ont laissés pour tout l'or du monde. Je crois que ces expériences m'ont rendu meilleur, plus tolérant, plus humain." En 1956, Zanuck qui quitta aussi la 20th Century Fox, faisait ses premiers pas en tant que producteur indépendant. Il commença par Island in the sun (Une ile au soleil) qui fit recette et enchaina sur The sun also Rises (Le Soleil se lève aussi, 1957) d'Hemingway. Il décida d'engager Tyrone et lui donna comme partenaire, Ava Gardner et Errol Flynn. Lorsqu'Ava, qui habitait alors en Espagne reçut le script, elle le montra à Hemingway lui-même qui s'opposa au projet. Il demanda une réadaptation de la production. Le tournage se fit à Pampelune et à Biarritz. Tyrone en profita pour visiter la ferme qu'Annabella possedait sur la côte basque. Il fut heureux d'apprendre que la vente de Saltair en avait permis l'acquisition. Annabella le trouva vieilli. Elle avait l'impression qu'il n'était plus de son époque et n'avait pas su intégrer la nouvelle. A la fin du tournage, Tyrone retourna à Copa de Oro, mais son dégoût d'hollywood était irréversible, ne supportant tout simplement ni la vie là bas, ni les gens qui s'y trouvait. Ceux qui y survivaient depuis une vingtaine d'années, n'étaient plus intéressants à ses yeux.
Il partit brusquement pour Paris. Par télégramme, il prévint Annabella. Lorsqu'ils se virent, il lui avoua : "J'ai fait bien des bétises dans ma vie, la pire a été de te laisser partir.". Il devait tourner Witness for the prosecution (Témoin à charge, 1957), inspiré d'une pièce d'Agatha Christie, auprès de Charles Laughton...Mais avant de repartir, il proposa à Annabella de tout recommencer, elle refusa. Tyrone retourna en Californie pour tourner en studio les prises de vue de Witness for the prosecution. C'est alors qu'on lui présenta une jeune femme brune, qui n'était pas actrice, mais fraichement divorcée d'un acteur, Nico Minardos. Deborah Montgomery Minardos était d'un naturel qui enchanta Tyrone. Elle rappelait un peu Linda, une Linda débarrassée de ses artifices, de ses coiffures, de ses toilettes extravagantes et des langues qu'elle prétendait parler couramment. Tyrone vit en Debbie, une jeune femme fraîche, l'air ingénu, avec un fort accent du sud. Debbie passa l'été à Copa de Oro. Elle adorait Tyrone et pour lui plaire, elle prit même la peine de se coiffer et de s'habiller. Tyrone la présenta à ses amis, qui comme pour Linda lui dirent d'être prudent. Mais il était insouciant, disant que si un homme se brûle et y prend plaisir, il recommencera à ses risques et périls. Tyrone termina le tournage de témoin à charge, mais une formalité restait à accomplir. En dépit de ses allures de bohêmes, Debbie considérait le mariage comme une institution respectable et n'avait aucunement l'intention de rester maitresse en titre. En février 1958, Tyrone écrivit à la mère de Debbie : "Vous vous demandez sans doute qu'elles sont mes intentions en ce qui concerne Debbie. Il semble que tout va rentrer dans l'ordre. En toute franchise, avant de l'avoir rencontrée, je n'envisageais pas de m'embarquer dans une nouvelle aventure, mais plus je la connais, plus je pense que c'est ce que j'ai de mieux à faire. Reste à vous convaincre. Tout cela pour vois dire, Madame, que je suis très amoureux de votre fille".. Le couple s'unit le 7 mai 1958 à Tunica dans le Mississippi. Les mauvaises langues firent courir le bruit à Hollywood que si Tyrone épousait cette fille, c'est parce qu'elle devait être enceinte, ce qui était bien évidemment faux, puisque Deborah tomba enceinte quelques temps après.
Le 3 septembre, Tyrone et Debbie s'envolaient pour l'Espagne, où Tyrone devait jouer le rôle du Roi Salomon, dans la production de King Vidor Salomon and Sheba (Salomon et la reine de Saba, 1959) auprès de Gina Lollobrigida. Tyrone s'était acheté un bateau qu'il avait baptisé "Le cygne noir" et ils parcoururent la Costa Brava. De retour à Madrid, la grossesse de Debbie était évidente, Tyrone écrivit : "Nous finissons les extérieurs cette semaine. Après au studio, la météo aura peu d'mportance. Je n'ai pas fait grand chose avec la Lollo, mais je dois dire qu'elle est sensationnelle. Vendredi prochain Debbie doit retenir une chambre à la clinique de Lausanne ; Nous serons ici jusqu'à mi-décembre." Début novembre, la moitié du film était tourné mais Tyrone devenait d'humeur de plus en plus difficile. On se demandait si le mariage résisterait à des querelles de plus en plus fréquentes. Tyrone proposa un WE à Debbie, d'aller rejoindre Annabella sur la côte Basque. Debbie trouva Annabella charmante et cette dernière leur promit d'aller les voir à Madrid. C'est le mardi 6 novembre que Tyrone eut sa première alerte. Une extrême fatigue l'accablait, les tendons de sa mains gauche étaient raides et douloureux, mais ce n'est pas avec cette main qu'il devait manier son sabre. Il n'en tenu pas compte.
Le 10 novembre, Annabella rejoignit l'équipe à Madrid. La vue de Tyrone la glaça, elle avait toujours lu en lui et s'était rendue compte que quelque chose n'allait pas. Lorsqu'elle lui posa la question, il répondit simplement : "Je trouve que la vie ne vaut pas la peine d'être vécue." Le matin du 15 novembre, le duel entre Tyrone et Georges Sanders s'éternisait, difficile à mettre au point. Sanders laissait sa doublure jouer les scènes où on ne voyait pas son visage, mais Tyrone tenait à tout tourner lui-même. Soudain, on vit Tyrone etreindre son épaule et tituber. Deux machinistes se précipitèrent pour le soutenir, on le conduit dans sa loge. Sa respiration était pénible, il fit exactement ce qu'il ne fallait pas faire, il alluma une cigarette et but un verre de cognac. "Il faut que je m'arrête un peu, je ne me sens pas bien" Il se redressa avant de tomber inanimé. On ordonna de ne passer aucun appel à Mrs Power qui se trouvait à l'hôtel. On le transporta dans la voiture la plus proche, la Mercedes de Gina pour la conduire à la clinique, mais une dizaine de minutes après avoir quitté le studio, Tyrone était mort. Son corps fut transporté de la clinique à la base aérienne de Torrejon de Ardoz. Les condoléances n'en finissaient pas et Debbie qui ne réalisait toujours pas ce qui arrivait était comme hébétée. A Los Angeles, toutes les stars étaient venues rendre un dernier hommage à Tyrone dans la Chapelle de Memorial Park. Debbie fit cependant interdire à Linda de s'approcher de la chapelle. Watson, fit édifier un monument sur lequel il fit graver une citation d'Hamlet "Bonne nuit, doux prince". Tyrone repose au célèbre cimetière "Hollywood Forever" auprès de grandes stars comme lui.
Tyrone William Power IV naquit à Los Angeles le 22 janvier 1959. Il pesait presque six livres, Debbie dira : "J'espère qu'il aura la douceur de son père et la fermeté de sa mère." Sa fille Romina, se maria avec Al Bano et devint une chanteuse de renom. Taryn, fit du cinéma, on la vit notamment aux côtés de Richard Chamberlain et Jane Seymour dans le comte de Monte Christo. Tyrone IV, fit également du cinema, encore de nos jours.
Tyrone Power aimait les gens et voulait en être aimé. Il se donnait pour cela, beaucoup de mal. On le vit rarement s'emporter, il aimait son métier et en était fier. Rêvant de devenir aussi fameux que deux autres Tyrone Power avant lui, son père et son arrière grand-père, il devint en vérité le plus célèbre.